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La lumineuse SF de Geoffroy Monde

5 novembre 2018 |

geoffroy-MONDE_c_Vollmer-loSi l’année 2018 a été riche en albums de science-fiction marquants (voir notamment Negalyod ou Alt-Life), le premier tome de Poussière s’est fait une place de choix dans ce rayon. Car avec son design éclatant et son univers mystérieux, sombre mais aisément accessible, il offre une lecture haletante. Geoffroy Monde ne nous avait pourtant pas habitué à ce style. L’auteur de 32 ans, formé à la fac d’art plastiques de Saint-Étienne et aujourd’hui installé à Lyon, s’était plutôt illustré dans le registre de l’humour absurde ou dans l’illustration. Le voilà donc qui se lance dans une saga en trois tomes, au graphisme lumineux, qui met en scène des humains pouvant modifier leur corps, luttant contre de terribles créatures détruisant tout sur leur passage, comme des émanations d’une planète meurtrie. Avec un soupçon de mondes parallèles en prime. Rencontre avec un auteur bouillonnant d’envies et d’idées, qui n’a sans doute pas fini de surprendre.

Pourquoi vous êtes-vous lancé dans une série de science-fiction ? On ne vous pensait pas fan de ce genre.

Je ne le suis pas spécialement, mais j’ai envie de m’attaquer à tous les genres ! La science-fiction, je me suis mis à en lire depuis que je travaille sur Poussière. Comme les albums de Moebius, que je ne connaissais très mal. Enfant, je lisais beaucoup de comics de super-héros, et je savais que cet univers allait me revenir un jour ou l’autre. Bien sûr, les histoires d’humour, j’en dessine depuis longtemps – dans toutes les formes, strips, gags en une planche etc. – et je n’arrêterai jamais, je pense. Mais je veux essayer d’autres choses. Là, c’est une grosse saga de SF et je ferai quelque chose de différent ensuite.

Vous vous appuyez sur des thèmes de SF classiques et en vogue ces dernières années, au premier rang desquels l’écologie et l’évolution de l’homme voire le transhumanisme.

poussiere-mainsLe côté écolo est présent dans ce premier tome, de manière assez basique : la nature se retourne contre les hommes et détruit tout. Mais vous verrez que ce n’est pas le sujet principal de la trilogie. En revanche, je développe davantage cette idée d’un monde dans lequel les gens corrigent leurs défauts et blessures sur un rythme d’évolution bien plus rapide que l’évolution naturelle. Au gré des traumatismes physiques, les humains développent une résistance accrue aux agressions : par exemple, un grand brûlé va évoluer et devenir plus résistant au feu. Je ne me suis pas inspiré tant que ça des thèses transhumanistes, mais j’ai lu des choses sur la nature et l’évolution, des plantes par exemple, au niveau micro-cellulaire. C’est très intéressant de suivre cette chaîne-là.

Le premier tome de Poussière ne donne que très peu d’informations sur le monde dans lequel vivent les personnages, d’un point de vue politique, géographique, ou spirituel. Pourquoi ?

Dans tout l’univers de Poussière, on va voir beaucoup de choses qui sont interprétées par les personnages eux-mêmes. Mais un autre angle sera apporté plus tard, qui ira sans doute à l’encontre de ces premières interprétations. Si le premier tome soulève pas mal de questions, le deuxième devrait y répondre. J’ai écrit les deux ensemble ! Quant au troisième, même si je sais où je vais, je n’ai pas encore tout arrêté. Que les lecteurs se rassurent toutefois : je n’ouvre aucune porte que je ne refermerais à un moment ou un autre.

Mais pourquoi n’avoir pas fait un seul gros volume ?

Cela rassure l’éditeur de produire une série courte. Et de mon côté, si j’avais dû travailler sur un seul livre aussi long, je serais resté trois ans dans l’ombre !

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Qu’est-ce qui a été le plus compliqué dans l’écriture de cette histoire ?

poussiere-equilibreLe plus difficile a été de ramener un peu d’humour là-dedans ! La logique de Poussière n’est pas l’absurde, contrairement à ce que j’ai pu faire dans mes précédentes BD. Il fallait donc absolument que j’y injecte un peu d’humour afin d’être réaliste ou, à tout le moins, cohérent. Car l’humain est ainsi fait, de sérieux à la base et de choses qui le dépassent, comme l’humour. L’éradiquer totalement m’aurait fait courir le risque d’être grandiloquent. Souvent, dans les films de SF bien ficelés, on trouve de l’humour. Ou dans les séries télé : dans The Wire, il y a des choses très drôles au milieu de choses très graves. Et glisser de l’humour permet de construire des relations réalistes entre les personnages, et ainsi de mieux s’identifier à eux.

Et vous lancer dans une aventure aussi longue, ce n’est pas ça le plus difficile ?

C’est vrai que c’est la première fois que je m’attaque à si long récit et je dois avouer que j’ai un peu flippé. J’avais surtout peur de m’ennuyer, car je me lasse vite de tout… Mais la bonne nouvelle, c’est que je continue d’avoir plein d’idées, d’élans nouveaux et… des nuits blanches pour les mettre en forme ! C’est étonnant et excitant.

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Quelle techniques graphiques utilisez-vous ?

poussiere-cyclopeSur Poussière, je travaille exclusivement à la tablette. Je ne suis pas à l’aise avec le crayon ou la plume… Mais je suis sûr qu’un jour, j’aurais envie de m’y mettre ! Pour le personnage de l’homme noir, j’avais envisagé de le dessiner au fusain… Puis j’ai trouvé une solution pour produire des volutes de fumée convaincantes en numérique, alors j’ai laissé tombé l’idée.

Et les cyclopes, sont-ils nés rapidement ?

Non, j’ai fait beaucoup d’essais avant de trouver quelque chose de satisfaisant pour ces grosses créatures humanoïdes. Et puis, une fois, j’ai tracé une forme et j’ai commencé à la remplir, et ça a fonctionné ! La texture en triangle fonctionnait aussi bien pour les cyclopes que pour les visions, le lien entre tout cela était tissé. D’une manière générale, je redessine beaucoup, je peux changer des détails sur mes planches jusqu’à la fin…

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Avez-vous déjà d’autres projets pour l’après Poussière ?

Le tome 2 de Poussière devrait sortir au printemps, puis je m’accorderai une petite pause humoristique avant le tome 3. Un album qui sortira dans la collection Pataquès de Delcourt à la rentrée prochaine.

Pourquoi avoir dessiné autant de personnages sur la couverture, au point de noyer un peu votre héroïne-titre ?
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Poussière n’est pas une héroïne dans le sens où, comme la plupart des autres personnages, elle subit son environnement et ne maîtrise pas ce qui arrive. C’est pourquoi elle ressort à peine de la couverture du premier tome. Et elle ne sera peut-être même pas sur celle du deuxième, mais les couvertures des trois albums formeront un tout cohérent… Le fait qu’on s’attache peu à elle, est important au regard de la trilogie dans son ensemble. Ça va un peu avec la « philosophie » de la série : l’humain n’est que poussière…

Propos recueillis par Benjamin Roure

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Poussière #1.
Par Geoffroy Monde.
Delcourt, 15,50 €, septembre 2018.

Images © Éditions Delcourt, 2018 – Geoffroy Monde
Photo © Chloé Vollmer-Lo

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