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La trilogie Jon McNaught

11 avril 2016 |

automne_1Sans doute séduits par le travail de l’auteur, les éditions Dargaud viennent de rééditer trois pépites  – Automne, Dimanche et Pebble Island – signées du britannique Jon McNaught (prix de la révélation à Angoulême 2013), toutes parues chez  l’éditeur anglais Nobrow voilà plus de trois ans. Une formidable occasion de (re)découvrir cette esthétique de la contemplation en retrait du temps, où les décors sont la matière même du récit. Avec une économie de moyens poussée à l’extrême – quelques mots ou sons, des borborygmes ou des teintes crépusculaires -, il décrit la morne dépression qui gagne les banlieusards le dimanche à Dockwood, entre jeux vidéo, chute de vélo et nuée d’oiseaux sur fond de soleil couchant. Dans Automne, il s’attarde sur l’histoire d’un jeune homme au service de personnes âgées ou sur la routine d’un ado en quête de petits boulots. A Pebble Island, les ados bricolent leurs jouets et les mettent en scène pour mieux tuer le temps quand ce ne sont pas les interférences des ondes qui brouillent le quotidien…

Rarement l’ennui ou le temps qui passe n’ont été aussi bien traduits en BD. Jon McNaught excelle à saisir ces instants futiles, en montrant des existences qui s’éprouvent dans le ralentissement du temps, comme autant d’invitations à la rêverie poétique. L’auteur fixe son attention sur des détails en apparence insignifiants en les isolant dans ses cases –  une lettre postée, un lever de soleil, une corbeille de fruits, une antenne télé, du linge bercé par le vent – installe un rythme lent et dilate le temps pour mieux révéler l’essence des choses et l’état intérieur des personnes. Partant de ces faits ordinaires et dérisoires, les récits muets dérivent ensuite vers une douce et apaisante mélancolie. McNaught est plus intéressé ici par l’expérience et la sensation du temps qui passe. Celui qui s’étire à l’infini, lent et élastique.

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Grâce à la description de ces tout petits riens, l’auteur crée une ambiance unique, magnétique, parfait contraste de la routine décrite, et cherche, semble-t-il, à révéler la musique intérieure des choses, sorte d’écho poétique à la banalité du réel. Il répète ainsi gestes et sons, décompose toutes les situations pour en montrer le caractère double : à la fois anecdotique et signifiant, au rythme d’une pulsation mesurée. Pour ne rien gâcher, cette jolie musicalité se drape de teintes douces, bleues, roses et orangées, appuyée par un découpage nourri d’ellipses. En étant présent au temps, les personnages acquièrent au fil des pages une épaisseur et une densité rares. Comme Chris Ware, McNaught semble faire corps avec le monde intérieur à cette manière de suspendre le temps. Et si ce monde des apparences semble désespérément banal, Mc Naught en tire beaucoup de profondeur avec une grande sensibilité. Ou comment faire surgir une inattendue poésie de la réalité la plus ordinaire.

Trois œuvres sensibles au final, autant de parenthèses lumineuses bercées par le silence, qui sont aussi des expériences multi-sensorielles. La variété des formats (poche, à l’italienne ou classique) renforce enfin l’élégance de cette esthétique délicate, encensée par l’immense Chris Ware : « Automne est l’une des plus belles odes à la beauté simple de la vie. C’est une merveille« .  Un triptyque vivement conseillé !


 

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Dimanche ; Automne ; Pebble Island
Trois livres de Jon McNaught. Dargaud, 12€ chacun.

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