L’Abîme de l’oubli



José Celda a été exécuté en 1940, dans le village de Paterna, à Valence, en Espagne. Il fait partie des 134000 fusillés par le régime franquiste. Dans un pays ruiné, à l’aube de la décennie de la faim, le régime s’installe dans un climat de terreur. Le 20 novembre 1975, 35 ans après, Franco meurt. La mémoire émerge difficilement, notamment à cause de la loi d’amnistie de 1977 qui absout tous les crimes, ceux des Républicains mais aussi ceux des Franquistes, au nom de la cohésion nationale. Mais comment faire son deuil en tant qu’individu et en tant que nation quand encore des milliers de cadavres restent enterrés dans des fosses communes. Pepica Celda, la fille de José, âgé de huit ans lors de l’assassinat de son père, va-t-elle enfin pouvoir enterrer dignement son père ?
Paco Roca, aidé de Rodrigo Terrasa au scénario, s’attaque à un grand enjeu mémoriel pour l’Espagne contemporaine : juger les crimes du Franquisme quand ses échos nostalgiques se font entendre à travers des partis d’extrême droite. Après avoir narré la Libération de Paris par les Républicains espagnols de La Nueve, il traite ici des associations, financées par l’État grâce à la loi de mémoire historique, qui, avec des méthodes d’archéologues, ouvrent les fosses communes ou explorent les charniers. En cherchant des indices convergents et en comparant les ADN avec les descendants, la vérité finit parfois par émerger.
Dans un format à l’italienne, les auteurs déploient une narration ample, entre passé et présent, s’attachant aux personnages dans leur part intime. On suit, par exemple, en parallèle de la grande histoire, la grossesse d’une des archéologues. Les tons ocres et les ombres rendent à cette Espagne de la région de Valence une impression d’aridité et d’âpreté. C’est une belle réussite qui met en avant un sujet aujourd’hui mieux connu grâce notamment au documentaire Le Silence des autres (El silencio de otros, 2018).
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