L’Arabe du futur #3
Dans son village de Ter Maaleh en Syrie, le jeune Riad, 7 ans, et « déjà remarquable », continue son apprentissage entre un père attaché à sa terre mais rendu aigri par l’absence de carrière universitaire digne de ce nom, et une mère condamnée au foyer. Leur vie de couple s’étiole, et le jeune Riad le perçoit. Pas grave, il découvre l’opulence des Saoudiens ou la violence d’un pays, voit la corruption en Syrie sans la comprendre, se forge à travers le film Conan le Barbare de John Milius et se révèle dans le dessin, reproduisant les corps musclés de ses héros. Entre un père persuadé d’avoir un avenir en Syrie, une mère accablée par l’ennui et l’isolement et le poids d’une culture qu’il ne comprend guère, le jeune Riad avance sur un fil. Le début de l’âge de raison…
Finies, semble-t-il, les envolées pleines de testostérone d’un Pascal Brutal en rut. Mais pas le regard tendre et candide du jeune garçon de Retour au collège ou l’autodérision du Manuel du puceau. Avec l’Arabe du futur, chronique familiale itinérante et posée d’une famille ballottée entre la France et le Proche-Orient, Riad Sattouf prend de la hauteur dans un registre intimiste nourri d’humour complice. On retrouve un père universitaire bercé d’illusions, dont on ne sait s’il est brillant ou tout juste raciste, tolérant ou bourré de préjugés (« les Américains sont riches », « Les Libanais sont corrompus mais intelligents »), mais capable de pédagogie avec son fils. Une mère lassée d’un monde désolé, de puzzles à longueur de journée, des magasins vides ou de l’eau marron du robinet. C’est aussi le petit Riad, naïf et étranger aux choses d’adultes, qui grandit entre expérience d’enfant, découverte de cultures (tentative de ramadan) et affirmation de soi (par le dessin). Ce sont enfin des tableaux façon reportage ou documentaire subjectifs sur la vie dans des pays pauvres et instables politiquement.
L’album, dense, se lit à la façon d’un roman : les scènes sont tour à tour graves ou cocasses sous la plume complice de Riad Sattouf, qui déploie un talent certain de conteur et de fin observateur, déjà vu dans La Vie secrète des jeunes. Où la récurrence de murs lézardés, les saveurs d’un riz mijoté suffisent à traduire la violence ou les délices d’une ambiance… Dans un style graphique cliniquement expressif, lové dans des teintes douces.
Ce troisième épisode montre donc un Riad Sattouf plus adulte dans le ton et les sujets abordés même s’il n’évite pas quelques répétitions ou longueurs, passé l’effet de surprise. D’abord annoncé en trois tomes, L’Arabe du futur en comptera finalement cinq. Après trois volumes touchants et sans fausse note, un succès critique et commercial mérité, on espère juste que ce ne seront pas ceux de trop..
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