Mauvaises filles



Au lycée, les profs battent les élèves et les bizuts subissent la loi des aînées. Jin-Joo, elle, est le souffre-douleur de son père qui la cogne sans arrêt. Le visage tuméfié, son quotidien balance entre violence physique et absence d’horizon dans la Corée du Sud de la fin des années 1990. Jusqu’au jour où elle rencontre Jung-ae, fille attachante mais paumée. Ensemble, elles décident malgré tout de prendre leur destin en main. Direction un bar à hôtesses, à même pas seize ans…
À moins de s’y intéresser, la Corée du Sud évoque peu de choses chez le lecteur. Avec Mauvaises filles, Ancco nous ouvre les portes d’une Corée sombre, touchée de plein fouet par la crise de fin de siècle. Résultat, les relations se teintent de violences sordides et de douleurs morales profondes. Choisissant une narration faite d’allers-retours, l’auteure, spectatrice d’un monde qui la dépasse, nous plonge dans ce quotidien sans issue peuplé de paumés à l’existence vide. La jeunesse s’y traîne, seule, fuyant des parents répressifs ou des hommes seulement guidés par leur désir, incapables de s’exprimer autrement que par la colère et les coups. Ces deux filles, pourtant, goûteront un peu à la liberté et aux interdits avant de sombrer, toujours plus bas. Même l’amitié et la tendresse peinent à affleurer, ne résistent pas au temps qui passe. Inexorablement.
Ancco dessine ses souvenirs dans un noir et blanc sec et profond, comme ces mots brefs qui claquent autant que les coups pleuvent. C’est donc l’histoire d’une jeunesse triste et dévoyée, le négatif d’une Corée qu’on ne regarderait qu’au prisme de son taux de croissance. Sous le vernis, l’implacable réalité sourd dans sa crudité. Ancco, murée dans son silence à l’adolescence, libère dans Mauvaises filles la voix de celle qu’elle fut dans ce terrible voyage au bout de la nuit. Pour exister un peu au milieu de l’indifférence et, peut-être, retrouver une forme d’insouciance. Sans nostalgie.
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