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Outre-mères – Le scandale des avortements forcés à La Réunion

23 janvier 2025 |
SERIE
Outre-mères
ALBUM
Le scandale des avortements forcés à La Réunion
DESSINATEUR(S)
SCENARISTE(S)
EDITEUR(S)
PRIX
24.90 €
DATE DE SORTIE
03/10/2024
EAN
2311150847
Achat :

En 1970, le Mouvement de libération des femmes s’affirme en France, mêlant longues réunions, activisme et tribunes publiques. Dans leurs revendications, la légalisation de l’avortement libre et gratuit est en bonne place. Au quotidien, des femmes risquent et leurs vies, et leur liberté, en avortant clandestinement. Suite au procès de Bobigny en 1972, les choses évolueront jusqu’à la loi Veil, et à la constitutionnalisation du droit à l’IVG en mars dernier – quand aux États-Unis ce droit recule dramatiquement.

En parallèle de la mobilisation métropolitaine, c’est un combat différent – mais tout sauf opposé – qui a lieu dans une relative indifférence à plus de 10000 km de Paris. À La Réunion s’ouvre le procès de médecins, et notamment de la clinique du docteur Moreau qui a, durant des années, réalisé des avortements et stérilisations forcées sur des femmes venues parfois pour tout autre chose. Pendant des « orphelins de la Creuse », qui montre l’obsession de contrôle nataliste des pouvoirs coloniaux sur les corps des populations racisées, des milliers d’opérations interdites ont alors lieu à La Réunion, remboursées par la Sécurité sociale.

outre-mere_image1En faisant le choix de suivre deux figures fictives, une jeune femme parisienne découvrant le militantisme jusqu’à signer le manifeste des 343 et une réunionnaise allant à l’hôpital pour une appendicite, stérilisée contre son gré, qui trouve la force d’aller porter plainte, Sophie Adriansen met en regard deux luttes et deux parcours de femmes qui osent se lever face au silence. Avec ces deux figures, les autrices ne taisent pas certaines difficultés à appréhender ce mouvement de femmes voulant défendre leur droit à enfanter quand, à Paris, la revendication est de pouvoir avorter, mais elles posent très clairement le fait qu’il s’agit justement du même combat. Un combat qui a d’ailleurs pu modestement se lier, Le Nouvel Observateur publie aussi bien le manifeste pro-IVG qu’un premier grand article sur le scandale de La Réunion, scandale qui peine à naître médiatiquement. En tous les cas, la lutte est bien la même, celle contre le contrôle des corps des femmes.

Pour mettre en scène son enquête, Adriansen s’est associée à Anjale, autrice de bande dessinée qui a fait ses armes dans Le Cri du Margouillat et a eu un beau succès sur l’île avec Dan Péï la Frai, racontant le décalage de la vie d’une Réunionnaise à Lyon. Il était important d’associer ainsi deux écritures, venant chacune des territoires évoqués, comme les personnages, ce d’autant plus que La Réunion est une terre de bande dessinée. Avec son dessin très clair et empreint d’une certaine douceur, Anjale peut dessiner des scènes froides ou dures sans les surjouer. Les mises en scène sont sobres, alternant des moments d’émotions intenses ou de luttes physiques (l’invasion d’une conférence du professeur Lejeune par le MLF) avec des scènes intimes, voire un retour à la froideur administrative. Le jeu de couleur, tout aussi simple (une couleur dominante par lieu d’action), est pareillement efficace.

Assumant son rôle documentaire tout en prenant soin de raconter une histoire, et de ne pas se contenter d’anecdotes et de récits d’audiences, Outre -mères lève le voile avec talent sur un scandale oublié. Ce faisant, il rappelle aussi l’actualité de ces luttes, et fait habilement le lien entre deux versants du combat féministe synthétisé dans un slogan clair : leurs corps, leurs choix.

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