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Troubs et Prudhomme repeignent Lascaux

27 septembre 2019 |

IMG_7583Quand des auteurs de bande dessinée sont invités à oeuvrer en direct dans une grotte préhistorique, cela donne un événement hors du commun. Dans le cadre du 30e festival de la BD en Périgord, Troubs (Sables noirs, Mon voisin Raymond, La longue marche des éléphants) et David Prudhomme (La Traversée du Louvre, Vive la marée, Mort et vif) ont investi la grotte de Lascaux II, les 25 et 26 septembre dernier, à Montignac. Une performance publique, filmée par Marc Azéma, chercheur archéologue et réalisateur de documentaires centrés sur les nouvelles technologies de l’image. À l’issue de plus d’une heure de spectacle, les deux dessinateurs livrent leurs impressions à BoDoï.

Comment avez-vous pensé l’expérience ?

Troubs : Le jeu était d’essayer de nous approcher de la démarche des artistes de la préhistoire, en faisant apparaître des lignes, des volumes sur les parois. L’idée était aussi de se laisser aller, de faire parler son subconscient. Le ressenti a été très agréable, un peu comme regarder les nuages et imaginer ce qu’ils forment dans le ciel… C’est le même système mais avec des parois rocheuses. Le fait qu’il y ait déjà des dessins et que les artistes aient déjà utilisé l’anamorphose, c’est encore mieux pour nous. Après on essaie de raconter des histoires, des choses simples, forcément : créer des relations entre les animaux représentés, on a ajouté des hommes… Et on a pensé l’expérience à deux, surtout.

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IMG_7586Pourquoi ce binôme d’artistes ?

T.: On se connait depuis 30 ans, depuis les Beaux-Arts. Et on avait déjà travaillé ensemble chez Futuropolis sur un album intitulé Rupestres ! qui est sorti en 2011. Nous étions six auteurs de BD et avions visité de nombreuses grottes ornées. Le livre donnait notre ressenti de dessinateurs sur l’oeuvre de dessinateurs passés. L’intérêt était donc assez présent. Avec David, on s’est retrouvé sur le salon de BD de Bassillac, ici même en Dordogne, l’an dernier. On s’est dit avec Mathieu Druillole qui s’occupe du salon, qu’on referait bien quelque chose dans l’esprit de Rupestres !.

IMG_7572C’est donc plus un geste à quatre mains qu’une « battle » d’artistes …

T. : Oui, c’est un truc que l’on fait ensemble, en osmose. Ce n’est pas un duel, pas du tout. Avec David, on n’est pas dans une logique d’affrontements, on se soutient ! Comme ont sûrement fait les hommes de la préhistoire.

Vous y pensez, à ces hommes préhistoriques, pendant l’exécution de la performance ?

T. : Bien sûr. On est fascinés par leur travail, ce sont des dessins magnifiques avec cette simplification extrême du trait. D’autant plus qu’on ne connait pas la signification de leur art. On peut faire des hypothèses mais ça ne sert pas à grand chose, ces dessins sortent des schémas actuels, de nos présupposés, ceux que nous avons tous dans la tête en tant qu’Occidentaux du XXIe siècle. Ce sont des gens qui étaient en connexion totale avec la nature, leur perception de monde animal était totale. D’où ces dessins à la fois simples et précis. Je suis assez sensible à cet art rupestre que j’ai pu aussi observé lors de mes voyages, notamment en Australie.

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David Prudhomme : On est vraiment confrontés à la qualité de leurs dessins, c’est ce qui m’émeut. Je suis moins documenté que Troubs sur l’ethnologie, je plonge donc directement dans l’art, c’est-à-dire le trait, le dessin. J’ai l’impression d’abolir le temps. Je sais qu’ils étaient en connexion avec la nature, ce qui crée un fossé encore plus grand avec moi qui suis citadin. IMG_7575 Mais en me plongeant dans leur trait, j’ai l’impression de comprendre un peu de leur psychologie, même si ici, à Lascaux, c’est davantage du pochoir que des lignes. Cette promenade des yeux sur les lignes me touche énormément. On arrive à supposer, de manière générale, leur état d’esprit. J’ai l’impression que c’est un peu la machine à remonter le temps, elle est là, elle existe. Nous, on est juste plus aguerris que les autres parce qu’on passe nos journées à tracer des lignes et à regarder ce que l’on dessine. Et peut-être à en comprendre la signification d’un dessin. Mais à force de lectures sur l’art préhistorique, je me garde bien de toute interprétation puisqu’on ne sait pas la motivation et même la signification de cet art. Je me place donc plutôt du côté du ressenti, de l’émotion, de l’observation tout en essayant d’être le plus affûté possible.

Comment avez-vous pensé le dispositif, le processus de travail ?

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T. : Nous avons placé les rétroprojecteurs deux jours avant et avons travaillé toute la journée précédant la performance, avant de lancer quatre sessions en deux jours. Il a fallu faire des essais, notamment pour caler les rétroprojecteurs, voir comment ils se chevauchent, etc. On a fait des tests, des erreurs… Le fait que la performance se répète est intéressant : cela permet d’exploiter d’autres idées, des choses auxquelles on n’a pas pensé la première fois, afin d’essayer d’épuiser le sujet !

Vous verra-t-on bientôt en librairie ?

D.P. : Je sors un album à l’Association qui s’appelle L’Oisiveraie, en noir et blanc, commencé il y a 18 ans. C’est l’histoire de petits vieux qui refont une cuisine : ils ne vont pas très vite mais moi j’ai été encore plus long qu’eux ! En novembre, un bouquin sur les sumos est prévu chez Noctambule, d’après les expositions que j’ai faites sur eux.

T. : D’ici un petit mois, je sors un bouquin qui s’appelle Cuisine centrale aux Requins Marteaux. C’est un livre sur un ESAT, un établissement spécialisé d’aide par le travail, qui se trouve à Sainte-Livrade, dans le Lot-et-Garonne. J’y ai fait une résidence, et j’ai produit un petit livre de reportages. L’an prochain sortira un livre sur Beyrouth et le Liban, chez Futuropolis.

Propos recueillis par Marc Lamonzie

Photos © Marc Lamonzie pour BoDoï

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