Par Joyce Farmer. Actes Sud / L’An 2, 23,80 €, le 17 juin 2011.

Voir ses parents vieillir est toujours difficile. Surtout quand l’âge s’accompagne de soucis d’ordre médical, qui vont jusqu’à la perte d’autonomie et la lente déchéance physique et mentale. C’est cette histoire, inspirée de celle de son père et de sa belle-mère, que conte l’Américaine Joyce Farmer dans cet épais et bouleversant roman graphique.

L’auteure se glisse dans la peau de Laura pour décrire sa relation avec Lars et Rachel, vieux amoureux aux revenus modestes, qui se laissent aller à mesure que la fatigue les gagne, sans demander d’aide, de crainte de déranger. Plus de ménage, toilette sommaire, cuisine toute prête, le moins de sorties possible. Et des maladies et affections qui progressent rapidement, faute de rendez-vous chez le médecin. La fille voyant ses parents dans cet état tente de sauver ce qui peut l’être, mais elle ne peut que courir derrière l’inéluctable: ils n’iront jamais mieux et avancent sûrement vers la mort.

Par petites touches et un dessin aux hachures réalistes et expressives (Joyce Farmer fait partie de la première génération de dessnatrices underground; imaginez un Robert Crumb féministe), elle décrit avec pudeur et sans détour cette lente marche vers la sortie, l’envie de rester chez soi jusqu’au bout, la douleur physique et mentale de se sentir dépérir, la peur des hôpitaux, les souvenirs lointains qui resurgissent aux derniers instants… En totale empathie avec la narratrice, qui se démène pour maintenir ses parents à flot, le lecteur est tour à tour agacé, éreinté, ému aux larmes. Car ce témoignage est d’une sincérité et d’une puissance rares, et résonne(ra) forcément dans l’esprit et la vie de tous.

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