Cador du journalisme d’enquête voilà déjà quelques décennies, François n’est plus qu’un vieux journaliste sans le sou, rongeant son frein en quête de son dernier scoop. Et il pense le tenir : une interview exclusive de Fidel Castro, alors que le leader cubain est au plus mal. Il embarque dans son sillage une jeune et naïve pigiste. Commence alors un petit cours in situ de l’histoire cubaine en même temps qu’une aventure rocambolesque en territoire communiste.

Après le très chouette La Dent de l’iguanodon, dessiné par Pol Cherici, revoilà le duo Lisa Lugrin-Clément Xavier pour un second album en 2025, très différent, mais tout aussi étonnant. Inspirés par les péripéties et les connaissances du journaliste François Missen (prix Albert Londres et prix Pulitzer !), ils en font un excellent anti-héros de bande dessinée : toujours prompt à étaler sa science comme à magouiller avec son réseau, il est à la fois plein d’idées brillantes pour débusquer l’info, mais aussi souvent tenté de s’asseoir sur une trop stricte éthique pour arriver à ses fins. À ses côtés, l’aspirante reporter semble bien plus fade, mais elle est le prétexte au principe même de l’album : parler de l’histoire et de l’état actuel de Cuba, après plus de 60 ans d’embargo et de diabolisation de la part des États-Unis. L’idée est bonne et la mise en oeuvre plutôt futée, car à chaque rencontre ou à chaque nouveau lieu découvert, à travers un dialogue ou un récit parenthèse, les auteurs reviennent par la bouche de leurs personnages sur l’arrivée de Castro au pouvoir, son rapprochement avec l’URSS, les manipulations américaines, les privations du peuple cubain, etc. Par moments, le procédé lasse un brin et paraît quelque peu forcé, mais il y a toujours un rebondissement dans l’intrigue pour apporter de la légèreté, de l’humour ou une vision décalée. Le trait coloré de Lisa Lugrin, tantôt énergique, tantôt délicat, est aussi pour beaucoup dans la réussite de cette curieuse fiction dopée au docu, qui fait passer autant d’infos que de bons moments.

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