Par Barbara Yelin et Peer Meter. Actes Sud/L’An 2, 22€, avril 2010.

En Allemagne au début du XIXe siècle, une jeune femme est envoyée par une revue à Brême afin d’en tirer un récit de voyage. Seulement, elle arrive en plein psychodrame collectif: on prépare l’exécution de Gesche Margarethe Gottfried, accusée d’avoir tué par empoisonnement une quinzaine de personnes de son entourage – dont ses parents, ses deux maris, son fiancé et ses enfants…

Ce fait divers sordide, d’une cruauté absolue, hante rapidement la voyageuse. Qui se met presque malgré elle à enquêter sur L’Empoisonneuse – titre de l’album -, afin de comprendre ce qui l’a poussée à agir ainsi. Sa route croise celles d’illuminés mal intentionnés. Brême, ville réputée pour sa libéralité et sa modernité, lui apparaît très vite comme terriblement conservatrice. « Une femme n’est finalement rien d’autre qu’un degré intermédiaire entre l’enfant et l’homme, donc pas vraiment une personne, tout au plus un être immature », lâche un inconnu dans la rue. Derrière « les façades d’une moralité bourgeoise », notre héroïne sent sourdre « un lien profond et mystérieux entre luxure, religion et cruauté ».

Un véritable tour de force graphique. Voilà ce qu’est, d’abord, ce pavé de près de 200 pages. Il est mis en images par l’Allemande Barbara Yelin, qui fignole au crayon des cases vertigineuses, des portraits de Gesche Gottfried, vues de la ville ou scènes de foule impressionnantes. Elle est visiblement très inspirée par le scénario de Peer Meter, familier du cas de l’Empoisonneuse. Ce Brêmois d’origine s’intéresse à ces crimes depuis 1988. Il en a d’abord tiré une pièce de théâtre, puis un livre-enquête (Gesche Gottfried – Ein langes Warten auf den Tod). Leur travail commun aboutit à un ouvrage étourdissant, fascinant, glaçant. Terriblement maîtrisé et efficace.

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