Quelle belles surprise livresques placer sous le sapin ? La bande dessinée et l’illustration ne manquent pas de jolies sorties pour les fêtes, entre intégrales, art books et albums patrimoniaux. En voici une première sélection.

Pour les franquinophiles

André Franquin est décédé voilà 28 ans, mais son oeuvre est toujours aussi puissante et inspirante pour des générations de lectrices et de lecteurs, tout comme d’autrices et d’auteurs. Les inconditionnels sont gâtés cet automne avec la parution de deux ouvrages classieux. Le premier est le premier volume d’une intégrale Spirou et Fantasio 1946-1950, dans un élégant format au dos toilé rouge et à la couverture très graphique. Il reprend donc les premières histoires de Spirou écrites et dessinées par Franquin, telles les fameuses L’Héritage ou Radar le robot, mais d’autres plus confidentielles. Surtout, il les reproduit dans une colorisation revue, au plus près des indications originelles de l’auteur : un travail remarquable et éclatant, qui donne tout son sens à la démarche. Et les nombreux documents de travail, dessins d’archives, reproductions de planches originales, qui accompagnent le texte, font de cet ouvrage un must pour les franquinophiles.

Autre incontournable de l’auteur : Idées noires. Fluide Glacial en propose une plongée dans « les origines », dans un beau livre tout de bleu vêtu. Fac-similés de planches ou de correspondances, croquis, scripts et storyboards, agrandissements de cases : une avalanche de documents permet de s’immerger dans la création de ces histoires mordantes, aussi drôles que terriblement sombres. Le tout enrichi de citations et commentaires de l’éternel insatisfait Franquin (extraits de Et Franquin créa la gaffe, entretiens réalisés par Numa Sadoul, disponible chez Glénat) sur ce travail personnel au Rotring, satire puissante des dérives de la société moderne, loin des aventures de Spirou ou des facéties de Gaston.

Spirou et Fantasio par Franquin. Intégrale 1946-1950. Dirigé par David Amram. Dupuis, 336 p., 55 €.
Idées noires – les origines. Texte de Gérard Viry-Babel. Fluide Glacial, 176 p., 32,95 €.

Pour les cryptozoologistes

Quand une neurobiologiste et éthologue se penche sur la faune des univers imaginés par Leo, cela donne un ouvrage encyclopédique aussi beau que malin ! On parcourt ainsi les mondes d’Aldébaran par le prisme de ses animaux ét onnants, dans une mise en page très sérieuse, façon documentaire jeunesse traditionnel. Une grande image en couleurs, parfois accompagnée d’un croquis, illustre un texte décrivant la morphologie, le régime alimentaire ou le comportement des espèces observées. Après ça, vous serez définitivement calés en matière de manganéra, d’harpie-requin, de skatzopède ou des fameux iums. Belle idée !

Le Bestiaire du monde d’Aldébaran. Par Léo et Olivia Le Moëne. Dargaud, 136 p., 31 €.

Pour les mordus de Larcenet

Manu Larcenet dessine tout le temps. Même quand il ne produit pas de planche de BD. Ces Gymnographies sont une sélection de certains de ces dessins : clins d’oeil à Fred ou Gotlib, autoportraits, illustrations d’un thème ou d’une idée, caricatures de Zemmour, Bardella ou Trump, dessin pour ex-libris ou couverture de catalogue… Comme une petite balade dans les tiroirs d’un auteur prolifique et torturé, hilarant et sombre, qui recèle dans son cerveau les germes de dizaines d’histoires et d’univers, et dans sa main la grâce d’un trait d’une évidence rare.

Gymnographies. Par Manu Larcenet. Les Rêveurs, 160 p., 20 €.

Pour ceux que les contes font rêver

Bonne nouvelle pour tous les fans de Benjamin Lacombe et les parents en quête de beaux livres de contes à lire et relire, la collection des Classiques illustrés (qui s’expose en ce moment à Chambord) s’enrichit de nouveaux volumes. À l’occasion du 150e anniversaire de la mort d’Hans Christian Andersen, auteur phare pour Benjamin Lacombe, ce dernier se penche enfin sur La Petite Fille aux allumettes, récit déchirant qui l’a marqué jamais durant son enfance :un texte court, de grandes images au fusain illuminé par une couleur magique, le tout sous une couverture qui brille, le volume fait son effet ! Plus colorées et apaisantes, l’adaptation des Cygnes sauvages d’Andersen par Aliocha Gouverneur et L’Étonnante histoire de la Princesse au petit pois, conte classique revisité par Cécile Roumiguière et Nathalie Novi (dans un style animalier), complètent ce joli hommage au conteur norvégien.

– La Petite Fille aux allumettes. Par Benjamin Lacombe d’après Hans Christian Andersen. Albin Michel, 68 p., 21,90 €.
– Les Cygnes sauvages. Par Aliocha Gouverneur d’après Hans Christian Andersen. Albin Michel, 76 p., 22,90 €.
– L’Étonnante histoire de la Princesse au petit pois. Par Cécile Roumiguière et Nathalie Novi. Albin Michel, 68 p., 21,90 €.

Pour les oubapiens invétérés

Gustave Verbeek est un auteur américain né au Japon de parents néerlandais en 1867, et décédé 70 ans plus tard. Illustrateur pour la presse, il est aussi un des pionniers de la bande dessinée expérimentale avec ses strips baptisés The Upside-Downs Little Lady Lovekins and Old Man Muffaroo : des histoires qui peuvent se lire dans un sens, puis à l’envers en le retournant ! Où la robe de la petite fille devient le chapeau du vieux monsieur, et inversement, mais pas seulement ! Célébré dans un formidable numéro de DMPP, ce travail revient sous forme d’intégrale chez Delcourt. Dans un format à l’italienne propice aux strips de 6 cases (mais peut-être moins à l’appareil critique, coincé dans une maquette ultra serrée), voici donc Les Dessus-Dessous de Betty Boudchou et du Père Moustachon parus entre 1903 et 1905 : un vrai morceau d’histoire du 9e art à niveau disponible.

Dessus-Dessous – l’intégrale 1903-1905. Par Gustave Verbeek. Texte de Martin Gardner. Trad. Jean-Paul Jennequin. Delcourt, 88 p., 26,90 €.