Une jeune femme pose nue dans un cours de modèle vivant et pense à son enfance, à son parcours qui l’a amené à être qui elle est aujourd’hui. Cette femme, c’est Mansoureh Kamari, Iranienne arrivée en France en 2011 et qui travaille depuis 10 ans dans le cinéma d’animation. Avec Ces lignes qui tracent mon corps, sa toute première bande dessinée, elle revient sur ses premières années de vie à Téhéran pour dénoncer les conditions de vie des filles et des femmes en Iran. État dans lequel les filles sont légalement adultes à 9 ans, âge auquel leur vie bascule totalement sous la domination masculine absolue.

Dans ce pays classé 143^e sur 146 en termes d’égalité des sexes et où les infanticides sont protégés par la loi islamique, il n’est pas bon de naître de sexe féminin. Les filles et les femmes y sont opprimées, violées, violentées et assassinées avec une telle impunité, que le régime a même l’audace de demander aux parents de rembourser les balles ayant servi à tuer leur progéniture !

Avec un dessin d’une étonnante maturité, qui passe de la couleur au noir et blanc avec une fluidité remarquable, Mansoureh Kamari prend le temps de raconter sans misérabilisme ce qui fait son passé, mais aussi le présent celui de millions de ses compatriotes. Sa ligne charnelle et vivante retranscrit les corps et les émotions avec élégance que l’on pourrait volontiers rapprocher de celle de Sixtine Dano (Sibylline).

L’autrice note brièvement à la fin de son ouvrage l’état des avancées et durcissements juridiques liés aux conditions et droits des filles et des femmes, et montre que le chemin est encore tristement long ! Et, alors qu’elle a quitté l’Iran il y a 19 ans, elle continue aujourd’hui encore à affronter les démons du passé pour aller de l’avant et saisir les libertés des pays occidentaux.

Ces lignes qui tracent mon corps est de ces témoignages autobiographiques forts et importants, qui, bien que racontés à la première personne, expriment l’oppression de manière universelle. Dérangeant comme nécessaire.

Traduction : Mansoureh Kamari & Angèle Pacary