Ken est las, coincé, peine à trouver l’épanouissement dans son couple, et doit se dégoter un costume pour le mariage de son frère. Carol, sa compagne, n’est guère plus fun, et se demande quel parfum de glace choisir. Et puis il y la vendeuse Mel, prête à pas mal de choses pour pimenter son quotidien, notamment tenter le coup avec le sculptural et zen Kay. On croise aussi le vilain prof d’art Karetzky, Maala déçue et frustrée, et l’écrivaine Christie en plein doute sur sa carrière… Des adultes comme tant d’autres, face à des questions quotidiennes plus ou moins existentielles…

Découvert avec le bluffant et innovant Bottomless Belly Button, Dash Shaw avait confirmé avec notamment Bodyworld. L’artiste américain revient avec cet épais pavé de près de 500 pages, et il déçoit. En effet, s’il n’y a pas grand chose à redire sur son art de composer un récit choral, imbriquant les parcours individuels et les allers-retours temporels avec fluidité et audace, il peine à convaincre avant tout par son scénario. Dash Shaw tourne autour de ses personnages et de la question des choix de vie (dois-je quitter mon mari? faut-il changer de style littéraire pour réussir?), mais avec il le fait avec une telle distance et une telle froideur que ces questionnements existentiels sont mis sur un pied d’égalité avec le choix de la couleur d’une cravate ou celui d’un topping de crème glacée… En cohérence avec ce parti pris, son style graphique opte volontairement pour le minimalisme et le naïf, sans souci du détail ou de la précision, dans une forme d’épure glaciale.

Dès lors, ces deux axes narratifs offrent un récit figé, dénué d’émotions tant celles des personnages paraissent factices ou surjouées, et d’un ennui profond. Alors, même si quelques séquences – peut-être les plus oniriques ou abstraites d’ailleurs – touchent juste, l’ensemble, malgré sa cohérence, ne séduit pas. Artistique, oui, flou, certainement.