Les Maudites
Il fait un soleil de plomb dans le Far-West. Tellement que le livre Les Maudites, de Carla Berrocal, est imprimé sur des pages jaunes. Histoire que la touffeur ne quitte jamais vraiment le western féministe de l’Espagnole, dont c’est la première bande dessinée traduite en français. Et c’est vrai qu’on y suffoque, baladé à droite et à gauche sans trop de répit dans un récit qui mêle habilement la littérature du genre, la fiction militante et le fantastique. Un shot efficace, puissant et qui reste à gratter la gorge comme un bon tord-boyaux des familles.
Il n’y a pas de place pour la pitié dans la guerre entre les Salvatierra et les Isla Perdida. Après avoir foulé leur terre sans autorisation, Leonor est obligée de travailler pour la maison Isla Perdida. Elle y retrouve la belle Isabel et toutes les deux tomberont bientôt amoureuses dans une ambiance Roméo et Juliette. Mais là n’est que le cadet de leur souci puisque dehors, la menace gronde : « Ceux-là », une bande de monstres barbus et assoiffés de sang, sont de retour. Il va falloir convaincre tout le monde de prendre les armes. Le hic, c’est que la matriarche Isidora d’Isla Perdida ne semble pas croire à la catastrophe imminente.
Il ne faut pas chercher bien loin de quoi ces créatures surnaturelles sont le nom. « Ceux-là » sont les hommes et la violence ancestrale qu’ils font subir aux femmes. Et l’histoire d’amour entre Isabel et Leonor vient lier deux façons d’y réagir : s’y soumettre ou combattre. Ce coup de coude dans la glotte du patriarcat prend les délicieux atours d’un western, genre misogyne par excellence, qui se fait ici retourner comme une tortilla. Carla Berrocal en respecte scrupuleusement les règles avec ses flingues, ses saloons et ses ennemies mortelles, donnant aux Maudites le goût précieux d’un divertissement total. Son dessin minimal, aussi sec que les plaines texanes, et sa gestion du noir appuient sur cette ultra-dramaturgie qui sied si bien au genre. Et à l’intérieur de ce jouissif marshmallow, le discours est là, prêt à éclater. Et pour 17,90 € seulement, ce qui est à noter.






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