Nous sommes la voix de celles qui n’en ont plus
Des lettres noires sur fond blanc appliquées sur les murs de nos villes, portant un message percutant, souvent dur ou émouvant, parfois provocant, sur les violences faites aux femmes. Les collages féministes ont fleuri depuis 2019 en France et ailleurs, dénonçant avec force et inventivité la culture du viol ou la lutte trop faible de la société et de ses institutions contre les féminicides. À travers de nombreux témoignages et analyses, la journaliste Paola Guzzo et la dessinatrice Cécile Rousset racontent dans ce passionnant documentaire BD la naissance, l’évolution, les fondements mais aussi les doutes de ce mouvement.
Elles évoquent le personnage de Marguerite Stern, ex-Femen et initiatrice des collages nocturnes, qui a depuis été exclue du mouvement pour transphobie, et qui s’est rapprochée de l’extrême droite. Elles donnent surtout la parole à de nombreuses femmes qui se sont retrouvées dans cette démarche, pour différentes raisons – la possibilité d’enfin s’exprimer, le fait de se retrouver entre personnes bienveillantes, l’envie d’agir, le besoin de perpétuer le souvenir des victimes… Cette multiplicité fait la richesse de ce jeune mouvement, qui s’est largement appuyé sur les réseaux sociaux et qui s’inscrit dans les grandes luttes féministes, comme le commente une historienne interrogée. Le tableau est assez complet, puisque les autrices évoquent aussi l’action de la police et de la justice, mais aussi les dissensions et disputes au sein d’un collectif qui a grandi très vite et a dû apprendre à s’autogérer en même temps que coller… Ce ton posé, didactique et très vivant, journalistique donc, et engagé juste ce qu’il faut, est parfaitement maîtrisé. Ainsi, malgré l’abondance de texte, le rythme adopté permet de ne jamais s’ennuyer, même s’il n’offre à la dessinatrice que peu de place pour innover en termes de narration séquentielle – mais ses choix d’illustration sont efficaces et pertinents. Dans le flot des albums sur des thématiques féministes, celui-ci sort brillamment du lot, parce qu’il documente idéalement un phénomène contemporain, avec rigueur et énergie.






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