Rocky
Rocky, sublime loser, dessine des strips mais personne n’en veut, drague mais enchaîne les vents et ne pense qu’à sortir. D’autres jours il s’astique, pointe à Pôle Emploi, boit ou se drogue et surtout, galère comme jamais pour choper. Il n’a pas un rond, pas le moral mais persiste dans sa dégringolade. Déprimé Rocky ? Niet… Car il aime ça : la glande, le chômage, les femmes…
En dehors des États-Unis, le genre du strip (hors les grands classiques dans la presse quotidienne) peine à trouver son public. La faute à des publications trop rares ou une qualité douteuse. Alors, pour changer ça, rien de mieux à faire que de se jeter sur la dernière pépite venue de Suède, signée Martin Kellerman, un carton éditorial des années 2000 au pays du meuble.
Bien sûr, on sent l’influence du pape de l’underground, Robert Crumb, et de Fritz the Cat,, dans ces strips autobiographiques sous acide. Mais qu’importe car le recueil, au fond, ne ressemble à rien de connu. Ces 250 pages narrent le quotidien d’une petite faune anthropomorphe à la dérive : chômage, cocufiage, drague foireuse et ennui se conjuguent pour brosser le portrait d’une jeunesse post-adolescente parfaitement désabusée, quelque part dans les marges de Stockholm. La loose totale, quoi ! Mais Rocky, magnifique anti-héros, excelle dans la discipline et cultive un art de l’échec absolument hilarant. Pourquoi? Difficile à dire ou décrire et c’est bien la magie indépassable de Rocky, universel mais traversé par une chaleureuse proximité.
Les qualités, elles, sont évidentes : un humour décapant, un dessin ultra expressif (voir les tronches délurées de Rocky), une ambiance lumineuse en noir et blanc. Sans oublier une mention très spéciale à la traduction d’Aude Pasquier car trouver la bonne vanne par-delà références et clins d’œil suédois, cela ne doit pas être une mince affaire. Il doit y avoir enfin beaucoup de justesse dans cette réalité désabusée. Loser toujours fauché, Rocky ne cesse de sombrer, de s’enfoncer et met d’ailleurs un certain panache à tout rater. Plus notre pote s’égare, plus on rit. Et nous touche, s’obstinant à être ce qu’il n’est pas. Et d’ailleurs, « même Kofi Annan réussirait pas à mettre de l’ordre dans la vie de Rocky ». Tant mieux car au fond, on a tous un peu de Rocky en nous. Un ami, un vrai, avec lequel on aime s’échouer et se poiler. Premier livre édité par les éditions Huber, et premier coup de maître !
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