Rouge signal
Le titre est une teinte de vernis, mais il résonne comme une alerte vitale. Pour sa première bande dessinée adulte, Laurie Agusti, venue de l’album illustré jeunesse, dresse le portrait d’un jeune célibataire lambda qui glisse vers le masculinisme et son versant radical et violent. Remplissant ses soirées solitaires de surf sur le net et les réseaux sociaux, cherchant « comment se comporter avec une femme », Alexandre voit son rapport avec le sexe opposé devenir de plus en plus tendu. Il voit dans sa nouvelle collègue une ennemie, il drague maladroitement et n’obtient que le silence. Et c’est en rencontrant un chantre de théories complotistes et masculinistes qu’il donne corps à sa haine des femmes. Avec pour cible l’onglerie en bas de chez lui, lieu d’émancipation et de liberté, et donc incarnation de ce qu’il se prend à honnir.
Nourri d’essais, d’articles de triste actualité ou tout simplement de son observation des réseaux sociaux, l’album de Laurie Agusti fait froid dans le dos. Car il dépeint une terrifiante réalité, celle d’hommes qui font porter aux femmes la culpabilité de leur mal-être social et qui sont prêts à la violence pour imposer une prétendue supériorité masculine. Pour cela, elle raconte l’évolution en miroir de cet Alexandre paumé et de ses voisines fans de nail art, avides de pouvoir vivre leur vie comme bon leur semble, et rassurées d’avoir un lieu sûr et bienveillant pour partager rires et peines. Par des cadrages finement étudiés, un trait extrêmement tenu et une très originale mise en couleurs à la gouache, flirtant volontiers avec l’abstraction, Laurie Agusti cisèle un petit bijou de mise en scène, au service d’un scénario au cordeau. Et produit un des albums les plus forts de l’année, sur le fond comme sur la forme, un livre important à tout point de vue.






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