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Sélection Comics – Brian Azzarello présente Hellblazer

26 décembre 2016 |

hellblazer_azzarello_couvLa Sélection Comics vous propose un focus sur un titre anglo-saxon qui vous sortira de la routine super-héroïque. Même si dans Hellblazer, iconique série de chez Vertigo, les justiciers masqués ne sont jamais loin, le héros John Constantine s’est surtout fait connaître en explorant en solo les recoins les plus sombres de l’univers DC. Urban réédite le run de Brian Azzarello. Moins célébré que d’autres, il mérite largement d’être réexaminé.

Et si on prenait des nouvelles de John Constantine ? Apparu en 1985 dans Swamp Thing sous la plume d’Alan Moore, le magicien-détective de l’étrange fut le porte-drapeau du label Vertigo dans ses glorieuses années. Son aura avait fini par s’étioler en même temps que celle de son éditeur et puis le revoilà en forme, occupant une place centrale dans les tentatives récentes de DC de faire prendre la sauce autour d’une Justice League Dark au sein de son univers cinématique. L’occultiste liverpuldien a donc eu droit à une série télé à son nom. Il figurera aussi dans le line-up du film d’animation JLD prévu pour début 2017. Et dans celui du long-métrage Dark Universe produit par Guillermo del Toro.

Mais – et ce n’est pas Keanu Reeves qui dira le contraire pour l’avoir incarné dans un film très oubliable de 2005 – Constantine est un personnage mieux taillé pour s’exprimer sur papier qu’à l’écran. Grande gueule et spirituel, le blond toujours vêtu d’un imper est un gars attachant, mais c’est aussi un type dur à cerner, mystérieux et loin d’être toujours aimable. En un mot un anti-héros, dont les aventures, déclinées en de nombreuses nuances de gris très foncé tirant sur le noir, s’adressent à un public averti.

C’est particulièrement vrai du Hellblazer de Brian Azzarello. Le scénariste fut aux commandes de la série sur 29 numéros au début des années 2000. Même si on est loin des runs au long cours d’un Garth Ennis ou d’un Mike Carey, Azzarello a eu de quoi imprimer sa patte. Sous sa plume, Constantine se révèle très taciturne, inscrit dans un univers plus réaliste qu’à l’accoutumée (le surnaturel est très discret) et très américain. Azzarello n’est pas britannique, à la différence de la majorité des auteurs à avoir officié sur ce personnage bien anglais, et il n’essaie pas de faire semblant : son run prend la forme d’une odyssée au plus profond des États-Unis dans laquelle se retrouve embarqué on ne sait pas bien pourquoi son héros. Il y a bien un fil rouge entre les différentes histoires racontées ici mais il est ténu. Ce qui importe, c’est l’ambiance. Et quelle ambiance !

hellblazer_azzarello_corben

En attendant la sortie chez Urban de la deuxième et dernière partie de ce run (annoncée en juin prochain), on se concentrera sur la première qui s’articule en trois gros morceaux et débute avec l’uppercut Hard Time, qui se déroule intégralement en prison. Dès la première page, le narrateur, un détenu, partage son quotidien fait d’humiliations et de viols. À la manière de Oz, le pénitencier nous est dépeint comme une jungle aux mains des gangs, tous plus vicieux les uns que les autres, dont la hiérarchie se trouve bouleversée par l’arrivée de Constantine, incarcéré pour meurtre. Le personnage est chez Azzarello une figure eastwoodienne : l’étranger qui sème le trouble là où il passe, un ange vengeur qui redresse les torts sans donner d’explications, avec un coup d’avance sur tout le monde et toujours un sourire goguenard rivé aux lèvres. Le génie dans cette affaire, c’est d’avoir fait appel à Richard Corben (Ratgod, Esprit des morts…) pour dessiner cette histoire. Cette légende de la BD de genre underground, pilier du magazine Heavy Metal, donne un caractère vraiment unique à ce récit. Ses personnages grotesques et inquiétants, comme dessinés par un Crumb en plein bad trip, évoluent comme dans un cauchemar perpétuellement nimbé dans la fumée paranormale exhalée par le fumeur invétéré Constantine. Un sommet de noirceur.

hellblazer_azzarello_frusinLa deuxième histoire n’est pas plus légère, loin s’en faut. Corben cède la place à Marcelo Frusin, et on change totalement de style graphique (même si – géniale idée – le coloriste James Sinclair assure le liant tout au long de ce volume). Il s’agit de la première collaboration entre Azzarello et le très doué Frusin (avant leur beau mais inachevé western Loveless chez Vertigo). Avec un artiste partageant la même nationalité, argentine, et la même sensibilité qu’Eduardo Risso, son complice sur 100 Bullets, Azzarello se laisse rattraper par son goût pour le roman noir et en oublie totalement la composante fantastique d’Hellblazer. Constantine pose ses valises dans un trou paumé, chez de vieilles connaissances et la visite de courtoisie prend vite une tournure crapoteuse. Aucun démon à signaler, mais la présence du Mal est partout, signalée par tous ces animaux morts qui jonchent l’arrière-plan. Pas mal même, si c’est surtout le boulot de Frusin qui impressionne.

Un bref intermède dessiné par Steve Dillon n’a que peu d’intérêt, si ce n’est de nous offrir l’opportunité de saluer la mémoire du co-créateur de Preacher, disparu le 22 octobre. Venons-en à la pièce de résistance, encore plus précieuse que Hard Time : Jusqu’à ce qu’il gèle. Un huis clos dans un bar alors qu’éclate un blizzard. Parmi les clients venus se réfugier là, Constantine bien sûr, ainsi qu’un malheureux inconnu, découvert mort une stalactite plantée dans l’estomac. On n’en dira pas plus, si ce n’est que ce récit en 100 pages dessinées à nouveau par Frusin est un petit chef d’œuvre de suspense et d’intelligence. On ne serait pas totalement surpris d’apprendre que Quentin Tarantino ait lu cette BD avant d’écrire Les Huit Salopards, tant les deux scripts partagent de ressemblances. Azzarello y démontre d’ailleurs la même habileté à manipuler son public que le cinéaste.

Une qualité éminemment constantinienne et un argument de plus en faveur d’.une réhabilitation de ce run d’Azzarello sur Hellblazer, trop souvent mésestimé alors qu’il marquait la rencontre d’un scénariste et d’un personnage de toute évidence faits l’un pour l’autre.

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Brian Azzarello présente Hellblazer #1.

Urban Comics, 28 €, septembre 2016.

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