Seumwère
Il faut bien dire qu’il ne se passe jamais grand chose dans les bandes dessinées de Margaux Meissonnier. On y suit des êtres en errance, perdus au milieu de mondes inconnus dont les bizarreries servent moins l’action que la contemplation. Après Erstein Costis et Pharœwère, toutes deux déjà chez Magnani, Seumwère poursuit cette marche titubante au cœur d’un environnement qui paraît toujours nous échapper. Et cette fois, l’autrice donne l’impression d’avoir encore asséché son univers et son propos, jusqu’à ne laisser que le strict minimum, à l’image d’un dessin désormais en noir et blanc et émacié au possible.
Nul doute que ce choix va en agacer certains et on entend déjà les râleries sur la bande dessinée indépendante incapable de nous divertir. Mais pour d’autres, l’univers de Margaux Meissonnier reste cette délicieuse étrangeté dans laquelle on adore perdre pied. Pourtant cette fois, les enjeux de l’histoire sont terre-à-terre au possible. Elle commence avec le réveil matinal (onze heure du matin, la vache) d’un individu, Erni, que le calendrier ne semble pas concerner plus que ça. Aujourd’hui, apprend-il de son colocataire, est un jour férié, la Saint-Seum. Malheur de malheur. Alors même qu’ils manquent de PQ et de lait. À leurs corps défendant, ils vont devoir se rendre dans une épicerie de proximité située à deux kilomètres, alors même que notre héros a de nouvelles chaussures qui ne convainquent personne. Voilà. C’est tout.
Ce récit en forme de gueule de bois pourrait en effet coincer par sa pauvreté. Mais en quelques traits et avec les fulgurances de l’absurde, Margaux Meissonnier parvient à muscler l’originalité de sa saga magnifique de l’ennui et de la désolation. Dans cette quête pas du tout initiatique, on rencontre aussi bien Dieu que la mesquinerie, on croise un prophète à l’arrêt de bus et le PQ coûte bien trop cher. Tout marche main dans la main pour que l’échec se transforme en illumination. L’autrice poursuit ici sa construction patiente d’une œuvre libre, éclatée en plusieurs livres, où le rien devient grandiose.






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