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Johnny Ryan défonce tout (et ça fait mal)

3 novembre 2017 |

Adulé autant que décrié outre-Atlantique, l’auteur américain Johnny Ryan fait l’actualité de la BD indé en France avec une double sortie : Johnny Ryan touche le fond chez Misma et Prison Pit chez Huber.

Johnny Ryan touche le fond

Johnny-Ryan-touche-le-fondRecueil de gags trash réalisés tous les mois pendant dix ans pour le magazine Vice, Johnny Ryan touche le fond est un bon condensé de l’humour transgressif de l’auteur, quelque part entre Ivan Brunetti (Misery Loves Comedy, Ho!), Joan Cornella (Zonzo) et Simon Hanselmann (Megg, Mogg and Owl). Le style est coloré pour mieux choquer, le trait rond et naïf, et le fond d’un cynisme total. Quelques cases, une dizaine par planche, entrecoupées de fausses pubs, à l’intérieur desquelles tout le monde en prend pour son grade : homos, enfants, présidents, super-héros (the Gaytriot), flics, voisins… Tous ont un jour ou l’autre commis l’irréparable : mutilations, violences gratuites, humiliations, mares de sang où flottent des membres, viols agrémentés d’urine et d’excréments, crime à la hache… Une foire où tout est permis dans un registre scato et ultra sanglant, exacerbé par le visuel cartoon et la cruauté sans fin de ces Playmobil en action qui, pour le pire, affichent toujours un large sourire.

Le délire régressif, souvent très drôle, sème aussi le malaise, pas loin de la provocation gratuite. Car ça fait mal, très mal et l’accumulation de scènes gores ou de digressions horrifiques nourrit le doute. Dans une ambiance joyeuse, le propos est en effet nihiliste, cynique au possible et derrière le rictus (gêné ou pas) surgit l’idée qu’il n’y a absolument rien à sauver dans ce monde. Tout semble faire vomir Johnny Ryan, à l’image d’Ivan Brunetti, pessimiste total inapte à l’existence. Pas d’autocensure donc, une outrance cultivée qui fait mouche et un vrai talent. Mais âmes sensibles ou amis du bon goût s’abstenir. Et mieux vaut picorer plutôt que lire d’une traite le recueil sous peine d’indigestion.

Prison Pit

prison-pit-book-one-johnny-ryanEt ce n’est pas Prison Pit (premier volume d’une intégrale, chez Huber), l’autre parution de Johhny Ryan, qui changera cette image de pourfendeur du bon goût. Pas de couleurs ici, juste un noir bien charbonneux et un peu de blanc pour souligner les contrastes. Le trait agressif, surtout dans les scènes de combat, rend hommage à de grands films du cinéma de genre : Alien (SF horrifique), Mad Max (post-apocalyptique) ou Massacre à la tronçonneuse pour le genre “redneck”. Car dans Prison Pit, Cannibale Fuckface, héros déliquescent, devra affronter toute une série d’obstacles pour se libérer d’une planète gangrénée par une violence originelle, d’ailleurs érigée en art de vivre.

Créatures difformes, parasites visqueux et chefs sanguinaires se dresseront face à la force brute d’un héros seulement habité par l’instinct de survie : ”(…) c’est à un véritable déchainement de brutalité, un opéra de fureur et de sang que vous vous exposez, au risque d’y prendre goût…” On vous aura prévenus.

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Johnny Ryan touche le fond.
Par Johnny Ryan.
Misma, 20 €, septembre 2017.

Prison Pit.
Par Johnny Ryan.
Huber, 24 €, août 2017.

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