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Andreas, créateur d’univers rares

18 février 2013 |

andreas_intro2Artiste étonnant, inclassable, Andreas creuse depuis une soixantaine d’albums un sillon très particulier. Avec notamment Rork (dont il a récemment publié une aventure, Les Fantômes), un“voyageur” âgé de plusieurs siècles, qui semble trentenaire et comprend les rêves des autres. Ou Capricorne, un astrologue issu de la série Rork. Entretien avec un fin ciseleur de puzzles graphiques, féru d’architecture — auquel une exposition a été consacrée à Saint-Malo et Angoulême.

INT_INTRORK_02_FR_PG19-72.inddComment Rork est-il né dans Tintin en 1978 ?
A l’époque, je venais de quitter Bruxelles pour Paris. C’était la première fois que je travaillais seul sur un projet, enfin — j’ai toujours aimé être autonome, je fus un enfant unique ! J’avais envie d’une histoire fantastique. Il lui fallait un héros, et c’est ainsi que Rork m’est venu, de façon presque accessoire. Puis l’éditeur m’a demandé de trouver un fil rouge entre mes récits, et j’ai renforcé mon personnage. Je lui ai dessiné des cheveux longs, comme moi à ce moment-là. Je me suis projeté en lui. Mais plus que la personnalité de Rork, assez lisse, c’est la mécanique du récit qui m’intéressait. J’ai toujours eu du mal à inventer des héros réalistes… J’ai travaillé cela plus tard, dans Capricorne, notamment à travers le personnage d’Astor, un homme aussi ronchon et casanier que moi.

Comment Capricorne vous est-il venu ?
J’étais lassé de Rork, j’avais envie de choses différentes, de pouvoir me lâcher. J’ai d’abord essayé le personnage de Capricorne dans Rork avant de lui donner sa série, inspirée des pulps des années 1920 et 1930. Comme Rork, Capricorne est un héros qui se cherche, ses souvenirs et son nom lui ont été volés. Son métier d’astrologue n’est qu’un prétexte qui me donne toute liberté scénaristique.

Pourquoi creuser le genre fantastique ?
J’ai toujours aimé ça : le mystère, le polar, la science-fiction, les êtres bizarres, les autres dimensions… Cela permet de passer ce que contient le cerveau directement sur le papier, de rendre les angoisses concrètes. Forcément, c’est une sorte de psychanalyse : j’utilise mes rêves, mes peurs.

La dimension psychologique occupe une part importante dans vos récits…
Oui, je l’ai découvert au fur et à mesure. Je trouve très dangereux de s’exposer volontairement, presque malhonnête. Si j’utilise ma propre histoire de façon consciente, je risque de devenir manipulateur. J’aime quand cela se fait tout seul, sans contrôle. C’est pour cela que je refuse toute thérapie psychologique, de peur de perdre ma créativité.

De quelle façon rédigez-vous vous scénarios ?
Très rapidement, pour sortir de moi un maximum de choses. Ensuite, je laisse le fond tel quel, même si je modifie la forme. J’ai confiance en mon instinct. Il m’est arrivé de le perdre entre les deuxième et troisième épisodes de Rork, à cause d’une affaire privée. Cela s’est ressenti dans mon travail, et ce même travail m’a sauvé.

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Improvisez-vous parfois ?
Oui. Je ne planifie pas tout, j’aime me laisser beaucoup de liberté. J’ai un grand plan global, qui fait office de squelette. Mais je fais évoluer la peau que j’installe autour, l’emballage. Je sais où je vais dès le début, mais j’évite les lignes droites. Les contraintes formelles que je me fixe ne sont pas enfermantes, elles m’aident à ne pas me perdre. J’aime les scénarios complexes, qui surprennent le lecteur et l’empêchent de tout comprendre d’un coup. Un bon album doit pouvoir se relire plusieurs fois, sinon son prix n’est pas justifié ! Je demande quelques efforts au lecteur, auquel je propose un univers à clés.

INT_INTRORK_01_FR_PG199_252.inddPourquoi rédiger vos histoires en français, alors que votre langue maternelle est l’allemand ?
J’ai appris la bande dessinée en Belgique, et j’ai toujours écrit en français. Ça m’est venu de façon naturelle, peut-être parce que j’ai toujours lu des BD et récits fantastiques dans la langue de Molière. J’ai toutefois écrit quelques scénarios en anglais, mais je ne les ai pas encore dessinés, par manque de temps.

Pourquoi choisir d’officier seul ?
Je suis assez individualiste, cela me convient parfaitement. Je me fais toutefois aider d’Isabelle Cochet pour les couleurs depuis 1999 — sauf pour Arq. Gérer deux séries en couleurs, comme c’était le cas alors, faisait beaucoup pour un seul homme. Avec Isabelle, j’ai appris beaucoup de choses : qu’il fallait être plus courageux, sortir de mon système graphique habituel, travailler davantage mes contrastes.

Comment travaillez-vous votre trait ?
Je ne suis pas un bon dessinateur, mon style est un peu bricolé, assez raide. Je m’aide d’une mise en scène étonnante, loin du classicisme d’un André Juillard ou François Boucq — qui, eux, peuvent tout dessiner… Je me rattrape grâce à la construction : j’utilise des bandes étroites qui permettent de représenter des parties plutôt qu’un tout. Cela attire l’oeil, le fait voyager dans la page. J’ai appris la perspective avec un architecte, aux Beaux-Arts, et j’ai du mal à me libérer de cela : je peine à déformer les choses, à être aventureux graphiquement. J’envie Hermann qui ose des perspectives extraordinaires !

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Quels outils utilisez-vous ?
Je travaille désormais au feutre, qui permet plus de rapidité que l’encre. J’évite Photoshop, sauf pour travailler une couverture par exemple.

CAPRICORNE T13_IG15:Mise en page 1Comment se déroula votre enfance en Allemagne de l’Est ?
J’y ai vécu jusqu’à l’âge de neuf ans, entre des parents médecins — ma mère était une femme à la fois affirmée et féminine, féministe aussi. Nous sommes partis en 1960, avant l’édification du mur. Ce fut un choc de tout laisser derrière nous, y compris mes BD.

Étiez-vous déjà un passionné ?
J’ai d’abord voulu devenir architecte. Puis je me suis sérieusement intéressé à la bande dessinée, et me suis mis à dessiner à l’âge de 16 ans. Tout de suite, j’ai voulu raconter des histoires par ce biais : je faisais des caricatures de mes copains, avec de gros nez et de gros pieds. Mon idole s’appelait Franquin. J’ai étudié aux Beaux-Arts de Düsseldorf différentes techniques graphiques, puis j’ai intégré l’Institut Saint-Luc en Belgique. Eddy Paape [Jean Valhardi, Luc Orient] était l’un de mes profs, et m’a ensuite demandé de travailler avec lui. Puis cela s’est enchaîné, sans trop de moments de doute ni de regrets.

Quels sont vos projets ?
Je me donne trois ans pour finir mes deux séries en cours, Capricorne et Arq. Ensuite, fini les histoires au long cours ! Je commence à vieillir, et je n’ai plus le temps de me lancer dans de tels projets. Je prévois de travailler sur des one-shots et des trilogies. J’ai notamment envie d’un très gros livre, loin du format traditionnel de 46 pages…

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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Rork – Les Fantômes
Par Andreas.
Le Lombard, 14,45€, août 2012.
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Rork – L’intégrale vol. 1 et vol. 2
Par Andreas.
Le Lombard, 32,95€, août 2012 et février 2013.
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Images © Le Lombard.

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Commentaires

  1. cris

    c’est toujours curieux et interessant de voir que des grands artistes comme franquin soit admiratif du trait de wasterlain ou que andréas le soit de celui de juilliard , boucq ou hermann !
    on est toujours l’élève et le fan d’un autre , même à ce niveau artistique ; ça apprend l’humilité !

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