Que s’est-il vraiment passé le jour de l’accident ? Pourquoi la voiture a-t-elle fait une embardée soudaine, percuté un platane et fini dans l’étang en contrebas, tuant la conductrice ? L’épouvantail en haut de la colline aurait-il des réponses à fournir ? Pas impossible, quand on sait que la petite Lily va discuter chaque jour avec lui. Jeu d’enfant traumatisé par un lourd secret de famille ? Délire psychotique campagnard ? Ou croquemitaine de paille qui tue à sa guise ?

Voici un délicieux petit conte horrifique ciselé par le scénariste Philippe Pelaez (Dans mon village, on mangeait des chats), qui joue sur les ambiances davantage que sur la grande originalité de sa trame pour instiller le mystère et le malaise. En effet, il parvient jusqu’au bout à maintenir une forme de doute quant à la réalité des événements et à la teneur des secrets, en offrant différents points de vue : la jeune Lily qui cherche à s’échapper d’un quotidien pesant, son père qui s’enferme dans sa rigidité et sa tristesse, et l’enquêteur en proie à d’étranges cauchemars. Et au milieu, l’épouvantail du titre, forcément inquiétant… Le tout dans des décors récurrents (la colline, le bois, la maison), comme un petit théâtre d’ombres. Ainsi, la réussite de cet exercice de style tient beaucoup au dessin de Stéphane Sénégas (Anuki, Lucien) : le mélange entre son noir et blanc tout en contraste et son trait à la légèreté de la BD jeunesse, ainsi que de vraies trouvailles dans les cadrages ou les onomatopées, créent une atmosphère morbide et intrigante de bout en bout.