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Judith Vanistendael sur les terres de l’ETA

1 août 2016 |

Judith-Vanistendael-photo-Carl-VandervoortBelge néerlandophone de 41 ans, deux enfants, un mari, un chat, Judith Vanistendael ne manque pas d’humour. Formée à l’université de Gand en histoire des arts, option arts ethniques, elle entre à 27 ans à l’académie des Beaux-arts de la Bande dessinée, soutenue par son compagnon. Après La Jeune Fille et le nègre et David, les femmes et la mort, cette auteure qui avoue prendre son temps dans son travail signe Salto, l’histoire du marchand de bonbons qui disparut sous la pluie, un roman graphique puissant créé en collaboration avec Mark Bellido, qui raconte le quotidien d’un garde du corps d’un politicien basque menacé par l’ETA.

Comment est né l’album Salto, l’histoire du marchand de bonbons qui disparut sous la pluie ?

J’avais décidé de faire le chemin qui mène à Saint-Jacques de Compostelle. Sur une terrasse, à Pampelune, où je commençai mon périple, j’ai croisé un pèlerin. C’était Mark, il finissait son job de garde du corps. J’ai discuté avec lui. Il faut dire que j’ai un grand faible pour l’Espagne ; je maîtrise la langue car j’ai été étudiante à Séville. Il m’a raconté son histoire et j’ai tout de suite voulu en faire une BD. J’ai proposé le scénario au Lombard, qui a été très réactif et enthousiaste. C’était il y a six ans.

Judith-Vanistendael-miquelOn se pose souvent la question de la part de l’autobiographie dans cette BD.

C’est une autobiographie. Tous les faits sont réels. Miquel est Mark. Il travaillait effectivement en binôme avec une collègue femme ; le caractère de Mark est celui décrit dans le personnage de Miquel. Pour le visuel, j’ai tout inventé, j’avais carte blanche, je n’étais pas tenu par la nécessité du portrait fidèle. Je me sens vraiment libre dans mon travail. Je suis atypique dans le monde de la BD car je n’ai pas suivi cette formation initiale. Lorsqu’on compare mon trait à celui de Christophe Blain, je suis flattée, car j’admire son travail, le sens du mouvement, de l’action, c’est ce que j’aime. Mais je ne me range pas dans tel ou tel style.

Pourquoi avoir choisi de dessiner aux crayons de couleur ?

C’est Mark qui a proposé le crayon de couleur, c’est un medium démocratique et enfantin. Cela contraste avec une histoire dure pour les adultes. Le crayon de couleurs est versatile : doux et violent à la fois. J’adore les couleurs, l’intensité qu’on peut générer avec les crayons. Par exemple, je voulais trouver un vert unique pour le Pays Basque : j’ai donc essayé de combiner des verts sombres, clairs. J’ai également fait un travail de couches. Les crayons permettent d’autres choses : créer des textures, des ambiances. J’aime dessiner la pluie, les brumes… je suis attirée aussi par certaines expériences graphiques expérimentales et très visuelles. Par exemple, j’ai essayé la risographie et ses rouleaux d’encres. J’ai dessiné sur des petites surfaces puis j’ai agrandi au maximum pour un effet brutal. En même temps, l’expérimentation ne doit pas nuire à l’accessibilité, à la lisibilité.

Judith-Vanistendael-ETA

 

Judith-Vanistendael-anaComment aborder un sujet encore sensible, celui de l’ETA et du terrorisme?

On a décidé avec Mark de laisser le lecteur libre de ses opinions. Mark s’est installé dans le Pays Basque car il recherchait une certaine liberté, pas par idéologie. Tout le monde se revendique libre, mais personne ne l’est vraiment. Plus tu creuses la question, plus tu t’aperçois des contradictions. Le terrorisme de l’ETA a privé certains de leurs libertés fondamentales, le refus de l’indépendance prive aussi certains de leurs libertés : ainsi on voit bien que le seul point commun est la privation de liberté. Par exemple, le personnage de la terroriste de l’ETA, la jeune femme, a été très épuré quant à son histoire. On a laissé le doute sur les raisons qui l’ont poussée à devenir terroriste. Pendant un mois, nous n’arrivions pas à trouver notre fin, ce qui prouve bien que nous n’avions pas une volonté de démonstration idéologique. C’est d’ailleurs le directeur du Lombard qui a tranché !

Judith-Vanistendael-rose

 

salto_couvSalto devrait encore vous occuper quelques temps, cependant avez-vous d’autres projets ?

Oui, le 8 septembre, je participe à une exposition-vente de certaines planches de Salto, à la galerie Champaka de Sablon. En même temps, je voudrais rencontrer les habitants de mon quartier de Bruxelles, Molenbeek. Un quartier que j’aime, où la mixité artistes/immigrés est très intéressante, mais un quartier qui a connu de terribles événements cette année suite aux attentats de Paris. J’ai également un projet de roman graphique : l’histoire de Pénélope, chirurgienne en zone de crise, qui rentre sur Bruxelles pour se reposer et affronte la puberté de sa fille. C’est un ouvrage qui questionne le rôle de la femme de nos jours. Entre travail et famille. Des thèmes donc, pour l’un comme pour l’autre ouvrage, qui me parlent beaucoup.

Propos recueillis par Marc Lamonzie

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Salto, l’histoire du marchand de bonbons qui disparut sous la pluie.
Par Judith Vanistendael et Mark Bellido.
Le Lombard, 22,95 €, juin 2016.

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