Crache trois fois
Katango, Moreno, Guido et d’autres ados réquentent le même lycée technique d’une banlieue sans éclat. À eux les journées à rallonge, les cours sans fin, sans horizon. Quand ils ne sont pas au bar ou en train de jouer au billard, on les voit traîner et fumer au bord du fleuve. Un quotidien morne, seulement rythmé par les tensions du voisinage. Car non loin vit une famille de slaves nomades qui traîne une mauvaise réputation : des graines de voleurs mal éduqués. Parmi eux, une gamine attire l’attention : Loretta, jeune femme sauvage et indépendante, au visage polymorphe…
Saluons d’abord l’ambition quasi littéraire de l’auteur italien Davide Reviati (État de veille, Oublier Tian’Anmen), pas effrayé à l’idée d’embarquer son lecteur dans un pavé de plus de 500 pages. Ces BD sont rares et avec un tel espace narratif, les possibilités sont démultipliées. Mais les risques pris aussi. Tenir en haleine, immerger son lecteur, rythmer un récit relève alors presque de la gageure. Mais globalement, l’auteur s’en sort correctement. Comme dans État de veille, on ne peut qu’être touché par le réalisme poétique contenu dans ces pages. Au-delà de la vie d’une communauté marquée par le conflit, la peur de l’étranger et la précarité de l’existence, Davide Reviati matérialise une temporalité lancinante, celle des espoirs déçus ou d’une adolescence en mal de repères, sans éluder le funeste destin des Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale.
Malgré tout, l’auteur peine à trouver le juste équilibre entre réalisme documentaire, tranches de vie et envolées fantasmées (John Wayne fait des apparitions), avec des longueurs ou des répétitions. Et comme le récit est trop linéaire, on peine à s’attacher à ces personnages fuyants, sortes d’ombres fugitives. Reste ce splendide graphisme hypnotique, un noir et blanc jeté et expressif, idéal pour imager une mémoire hantée ou un destin en pointillés. À la fois très actuel et personnel, ce Crache trois fois frustre aussi.

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