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La très grande aventure de Cy et Marc Dubuisson

10 octobre 2022 |

cy-dubuisson-photo2Une grande aventure tous publics, originale et percutante, c’est encore possible en bande dessinée. Cela faisait longtemps qu’on n’en avait pas lu, mais Ana et l’Entremonde vient rappeler qu’avec une bonne idée de départ, un univers foisonnant et une grosse envie de balayer les clichés, la BD est bien le medium transgénérationnel par excellence, porteur de rêves et d’émotions. Une réussite signée Cy (Radium Girls) et Marc Dubuisson (Amour, djihad et RTT), qui s’associent pour créer une saga bien loin de leurs registres habituels. Même si on retrouve, au détour de cette histoire de pirates dans un monde par-delà la Terre plate, l’élégance du trait et le fond militant de la première, et le goût pour l’humour caustique du second. Pour BoDoï, les deux auteurs reviennent sur la genèse de ce projet d’ampleur et de bonne humeur.

Marc, dans la longue interview « making of » qui conclut l’album, vous révélez que le scénario d’Ana et l’Entremonde dormait dans un tiroir. Infusait-il pour se bonifier ou attendait-il quelqu’un pour le dessiner?

ana-indesMarc Dubuisson : Je suis d’ordinaire quelqu’un de très impatient, mais c’est vrai que ça peut être intéressant que les histoires reposent un peu, surtout quand quelque chose coince ou qu’il y a un problème d’angle… Mais souvent, c’est juste une question d’opportunité. J’ai écrit le scénario d’Ana et l’Entremonde en même temps que celui de Grâce [série jeunesse chez BD Kids, dessinée par Isabelle Maroger] et les deux attendaient la bonne personne pour les dessiner. Avec Cy, nous nous connaissons depuis longtemps, j’ai fini par lui parler du projet d’Ana. Et là, l’histoire a commencé à évoluer

Cy : Le premier scénario était un épisodique, avec un début, un milieu, une fin par album, sur une série qui aurait pu ne jamais se terminer. J’adore le travail de Marc, mais pour m’engager sur plusieurs albums, c’est-à-dire plusieurs années, il fallait que l’histoire me retienne et surtout qu’elle ait une fin. Je me connais: je suis capable de mener une course de fond, mais seulement s’il y a une ligne d’arrivée!

M.D. : J’ai été surpris car je n’aurais jamais imaginé que Cy puisse rester aussi longtemps sur un même projet, et donc que je ne lirais rien d’autre d’elle pendant tout ce temps…

C. : Et moi, je ne serai jamais allée seule dans un univers de fantasy et de pirates. Jamais.

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C’est donc ce monde qui vous a attiré. Mais qu’y avez-vous apporté ?

C. : L’univers de Marc était tellement cool, les possibilité immenses. Et les personnages étaient déjà tous là. Il fallait simplement agencer l’intérieur un peu différemment.

ana-bateauM.D. : Les réflexions de Cy m’ont poussé à construire des arcs narratifs plus précis, à chercher des enjeux entre les personnages… Il y a une grosse différence entre écrire une histoire sur un tome et un scénario sur quatre tomes, c’est évident. On ne cherche pas la même profondeur. La difficulté ensuite est de réussir à raconter tout ce qu’on veut dans un nombre limité de pages…

C. : Et il fallait savoir où tout cela aboutirait : le chemin pour y arriver peut changer, mais certaines réactions de personnages ou détails de l’intrigue – qu’on ne perçoit pas à la première lecture – dépendent énormément de ce qui va se passer ensuite.

On peut voir dans ce récit d’aventures et d’apprentissage un petit côté manga shônen. Était-ce une référence pour vous ?

M.D. : Alors, non, je ne suis pas du tout manga. Mes références en matière de récits ont plus à voir avec les séries télé, les films et surtout les romans. Où on peut prendre autant de place qu’on veut pour développer une histoire et un univers.

C. : Moi, en revanche, je suis une grande lectrice de mangas. Et on peut peut-être le percevoir dans mon trait, par moments. Mais je crois plutôt être, comme beaucoup de dessinateurs et dessinatrices, la somme de mes influences, difficiles à discerner à la fin.

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Avec cette série, vous réussissez à produire une vraie aventure tous publics, originale, avec différents niveaux de lecture, à même d’emballer petits et grands. C’est devenu assez rare en bande dessinée.

ana-taverneM.D. : Je pense que c’est l’influence des films de Disney et Pixar, dont les personnages sont immédiatement attachants, et qui réussissent à jouer du décalage entre humour et frisson. Harry Potter aussi m’a donné envie de développer des univers. C’est quelque chose que je portais en moi depuis longtemps.

C. : Pour tous les deux, je crois, ce projet était l’occasion de sortir de nos habitudes. On en avait envie et besoin tous les deux sans le savoir. La référence à Disney est assez bonne, car il y a dans certains dessins animés des méchants terribles et géniaux, ceux qui manient l’humour et la cruauté en même temps. Ceux qui jouent l’entourloupe en rigolant, comme le personnage de Barbe-Taupe dans notre histoire, ce sont les plus intéressants. Et puis, les histoires qui font peur sont celles qui nous marquent le plus quand on est enfant.

M.D. : Souvenez-vous des Goonies !

C.: Pour ma part, je fais un parallèle avec la littérature dite « young adult », dont je suis friande car elle ne se prend pas la tête. OK, le style est plus léger, mais le plus important pour moi, ce sont les bons récits.

M.D. : Parfois, on a juste envie qu’on nous raconte une bonne histoire, avec des émotions, pas simpliste mais pleine de surprises… C’était notre but.

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Graphiquement, où se situent vos inspirations ?

M.D. : J’imaginais un côté piraterie classique, qui concilierait quelque chose de foutraque et de coloré.

C. : Il fallait y aller à fond, mais je voulais pas d’une imagerie trop déjà vue… Et je n’ai pas fait tant de recherches que ça, car je déteste me répéter et refaire un dessin ! D’autant que je travaille en traditionnel, à l’encre. J’avais participé à une session d’Inktober [défi créatif de création d’un dessin quotidien autour d’un thème sur tout le mois d’octobre] où j’avais travaillé sur les costumes folkloriques de dieux et de déesses. Je suis partie de la banque d’images que je m’étais créée pour l’occasion, afin de proposer quelque chose de différent. Quant aux lieux, comme Marc souhaitait que l’intrigue avance d’île en île, l’ambiance et les couleurs dominantes vont changer à chaque album. Là, c’était ambiance Caraïbes, le prochain tome, ce sera plutôt Écosse.

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Quand sortira-t-il ?

ana-et-lentremonde_couvC. : Je suis en train de le dessiner, il devrait être prêt pour l’an prochain. Je suis à fond sur cette série, je ne prends aucun autre projet… C’est un peu terrifiant de se lancer dans un tel marathon, et il faut être bien organisé pour ne pas se perdre. Je ne bosse jamais sans mon tableur Excel!

M.D. : Moi aussi j’ai un tableur Excel !

C. : Ah oui? Pas étonnant qu’on travaille bien ensemble ! Ça me permet de rappeler qu’être auteur, c’est un vrai boulot et qu’il faut arrêter de nous infantiliser à partir du cliché de l’artiste qui se laisse vivre, selon son bon plaisir. Là, avec Ana, j’ai du boulot pour 4 ans, c’est plutôt sécurisant.

M.D. : Et de voir qu’on réussit à créer ensemble quelque chose de très différent de tout ce qu’on avait pu faire avant, c’est réjouissant.

Propos recueillis par Benjamin Roure

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Ana et l’Entremonde #1 – Par l’Ouest, vers les Indes.
Par Marc Dubuisson et Cy.
Glénat, 108 p., 16,95 €, septembre 2022.

Images © Cy/Dubuisson/Glénat 2022

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