Hugues est un ado à la fin des années 1970, à la campagne. Chez lui, sa mère est coincée au foyer. Dehors, il faut s’accomplir dans un métier manuel, montrer sa virilité par l’effort, la sueur, ou encore la consommation d’alcool et l’attrait pour la mécanique. Hugues, lui, cherche une échappatoire à cet enfer. Il la trouvera grâce un couple récemment installé dans le voisinage, qui lui ouvrira les portes de la culture : littérature, musique, arts… Mais peut-on si facilement s’arracher à son milieu, au risque de passer pour un traître ?

Hugues Barthe s’est déjà beaucoup raconté en BD, notamment autour de son homosexualité et la façon de la vivre dans les années 80-90. Il a aussi déjà relaté cette terrible année 1979, qu’il brosse ici en partie, et les violences de son père contre sa mère. Cette fois, il prend un autre angle et explique comment il s’est extrait de ce milieu sclérosant, à travers les livres principalement – et ceux d’Annie Ernaux en tête. Cette histoire d’enfermement rural – la ville n’est qu’à 35 km mais ses proches n’y vont jamais – et de famille éloignée de toute source de culture, autre que la télévision et les bals populaires, devrait résonner pour de nombreux lecteurs qui ont vécu la même chose, d’autant que l’auteur use d’une ligne fluide et élégante, immédiatement accessible. Hugues Barthe y ajoute aussi le touchant portrait de son oncle, un fan de Johnny qui aurait sans doute lui aussi voulu tenter une aventure urbaine, mais qui a fini par composer avec son destin campagnard pour finir en dépression sévère. Toutefois, le parti pris de ne pas trop se répéter en anglant précisément ce nouveau livre se retourne un peu contre lui : il semble manquer quelque chose dans son narratif, une part de sa personnalité, un morceau du récit. La sexualité, par exemple, est reléguée loin, alors qu’elle fait partie de la singularité de cet ado coincé dans son bled où tout le monde se connaît et jase en permanence. Dès lors, cette autobiographie à trous perd de sa puissance de témoignage, pour préférer une réflexion intime sur l’émancipation sociale ainsi que le fossé culturel entre campagnes et villes. C’est déjà pas mal, cela dit.