Saturnia
Inès est une femme célibataire qui a eu deux filles hors mariage. Si ça se savait, cela ferait d’elle une paria pour l’Espagne franquiste des années 30 en un instant. Vivant alors quasiment recluse, elle ne sort de chez elle qu’à de rares occasions pour pouvoir subvenir aux besoins élémentaires de sa famille.
L’appartement familial devient alors vite un cocon étouffant pour les deux enfants cloîtrées depuis leur naissance. Dans leur quotidien rempli de secrets, de silence, de mystères et de symboles, Agueda et Rosita s’inventent des histoires pour survivre… jusqu’au jour où elles sont rattrapées par la réalité. Et, plus le huis clos s’ouvre, plus il fascine et inquiète : jouant sur les ambiances et les bouleversements d’un décor jusque-là établi, les chapitres savent surprendre et distiller l’inquiétude et le malaise.
Après Le Songe du corbeau, une première bande dessinée scénarisée par le duo Atelier Sentô (Toyko Mystery Café #1, La fête des ombres #1…), Alberto M.C. signe avec cet ouvrage sa première œuvre en solo. Le premier constat est que son dessin a déjà bien évolué. Toujours à l’aquarelle et au pinceau, ses planches ont une prégnance picturale fantasmatique et se sont émancipées de ses influences. Fascinantes, ses représentations hypnotisent et angoissent autant que son intrigue.
La beauté du récit tient autant à sa poésie visuelle qu’à son ambiance feutrée et son sous-texte. Troublant, d’autant plus que parfois un peu confus, il parvient à instiller une ambiance malaisante grâce à une poignée de personnages plus énigmatiques les uns que les autres. On s’interroge, on s’inquiète, on frissonne au fil des pages, et on redoute ce qui pourra bien arriver à cette famille le jour où son secret n’en sera plus un ! Une proposition élégante et racée qui confirme que son auteur a une voix bien personnelle et qu’il est réjouissant de l’entendre dans le brouhaha parfois trop formaté de nos divertissements quotidien.






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