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Stéphane Oiry replonge en adolescence

14 mars 2011 |

oiry_introIls tiennent bon, Appollo et Stéphane Oiry. Après le relatif échec du pourtant superbe Pauline et les loups-garous, les deux auteurs poursuivent leur plongée dans le monde drôle et terrifiant de l’adolescence avec Une vie sans Barjot. Si Pauline évoquait la fin de l’innocence (sexuelle, surtout), ce nouvel album se penche plutôt sur la fin de l’insouciance, racontant la dernière nuit d’un lycéen avec ses potes, avant son départ à Paris pour étudier… et mettre un pied dans l’âge adulte. Le dessinateur Stéphane Oiry, 40 ans, dissèque pour BoDoï ce portrait à la fois réaliste et poétique de l’âge (ingrat) de tous les possibles.

oiry_couvPourquoi replonger en adolescence, après Pauline et les loups-garous ?
En écrivant Pauline, Appollo et moi-même avions déjà des pistes pour au moins deux bandes dessinées de plus, sans toutefois vouloir faire une série. Il s’agit plutôt d’une trilogie aux sujets et au traitement graphique communs. Nous pensons aussi que découvrir Une vie sans Barjot peut permettre de lire ou relire Pauline avec une vision différente. Ce qui avait handicapé cet album à sa sortie, c’était son côté hyper-référentiel au cinéma de genre et à une certaine imagerie américaine, et par là même sa proximité avec Le Roi des mouches de Mezzo et Pirus. Une vie sans Barjot est plus réaliste et ne devrait pas entraîner la même confusion.

Le thème est moins lourd…
Oui, Pauline abordait de manière très crue la sexualité et le passage à l’acte, alors que notre nouvel album se concentre plutôt sur l’insouciance de l’adolescence, un âge qui est celui des velléités, où l’on n’est pas encore sali par les compromissions. Nous racontons aussi le saut dans l’inconnu qui se déroule à ce moment-là, car c’est celui où on laisse ses copains, la fille dont on est amoureux, et où on ne sait pas de quoi demain sera fait. Appollo a habilement construit ce livre autour d‘un équilibre fragile, entre gravité et trivialité, entre poésie et choses très concrètes.

oiry_mur Qu’avez-vous mis de votre propre adolescence dans l’ouvrage ?
Rien de vraiment précis, à part le fait qu’Appollo comme moi avons quitté la ville de notre enfance pour suivre nos études, lui de La Réunion à Paris, moi de Nantes à Strasbourg. Mais ce départ évoque aussi un vécu universel pour les adolescents qui, même s’ils ne quittent pas le foyer familial immédiatement après le lycée, mettent en place une forme de distance par rapport à leur parents. C’est aussi pourquoi ces derniers sont absents de l’album.

Les adolescents d’hier sont-ils les mêmes que ceux d’aujourd’hui ?
Cette question nous a posé problème. Car si Appollo est au contact quotidien des ados (il est prof de français dans un lycée), il s’agit pour moi d’un monde totalement étranger ! Mais nous avons fait confiance à la stabilité de la nature humaine et gommé tout ce qui pouvait trop dater notre histoire – les gadgets technologiques notamment. Je pense qu’à part certains codes vestimentaires ou verbaux, ou des références culturelles, les ados d’aujourd’hui ne sont pas si différents de ceux que nous étions. Et, personnellement, je n’ai pas le sentiment d’avoir beaucoup grandi par rapport à nos personnages…

oiry_noemie Ceux-ci sont des archétypes : l’ado qui rêve d’être Rimbaud, celui qui se pose comme le rigolo de service, le troisième qui est simplement paumé et craintif…
C’est vrai, mais les ados incarnent de toute façon des clichés, puisqu’ils cherchent souvent à ressembler à des modèles. De plus, ce choix participe de notre recherche d’universalité. Avec notre unité de temps (une nuit) et de lieu (une ville), et les personnages qui endossent un rôle, on est dans quelque chose de très théâtral. Nous avons cherché à avancer entre une description naturaliste des événements et une sorte de décontraction, dans les dialogues par exemple. Mais je crois qu’Appollo et moi aspirons aussi à un certain classicisme.

Alors que Pauline et les loups-garous adoptait un point de vue féminin, celui d’Une vie sans Barjot est masculin. Et sa mise en scène de la sexualité est très différente.
Ici, le sexe fait partie de cet univers inconnu vers lequel nos personnages avancent, car ils sont sans doute tous puceaux. Pour eux, le sexe est représenté par les films pornos qu’on mate à la télé, la prostituée face à laquelle ils redeviennent des gamins, et la vieille, la « maman cougar » qui cherche des petits jeunes. Appollo a été très vigilant sur le sujet, il a tout fait pour éviter de tomber dans la facilité, c’est-à-dire le glauque, le trash. Il a réussi à rester vrai et juste.

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Avez-vous été marqué par d’autres bandes dessinées sur l’adolescence ?
Je trouve le travail de Riad Sattouf [La Vie secrète des jeunes, le film Les Beaux Gosses] très intéressant. Mais les bandes dessinées qui m’ont le plus touché sont celles que je lisais plus jeune justement: les BD underground américaines surtout, la série Love & Rockets, les livres de Charles Burns, Daniel Clowes ou Debbie Drechsler.

Comment travaillez-vous avec Appollo, qui est installé en Afrique ?
Paradoxalement, je pense avoir des contacts plus réguliers avec lui, qui est à Kinshasa, que s’il était à Paris. Nous discutons par Skype très souvent, Appollo habite littéralement mon ordinateur ! Nous faisons beaucoup d’allers-retours sur mes crayonnés, mes planches. Il ne dessine pas, mais possède un oeil très affûté sur la mise en scène.

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Quel sera le thème du troisième volume de votre trilogie ?
Nous allons repartir sur un point de vue féminin, puisque nous raconterons les vacances d’une jeune femme qui revient dans sa famille pendant l’été. Elle va s’ennuyer dans la ville qu’elle a quittée pour faire ses études et où elle ne connaît plus grand monde, à part son père, divorcé, un peu dépressif et surtout nostalgique de sa propre jeunesse rock’n’roll. Ce sera un album très énergique et diurne, avec des lumières aveuglantes.

Avez-vous d’autres projets ?
Oui, je travaille sur le troisième épisode des Pieds nickelés. Et je suis en train d’écrire une bande dessinée érotique, qui se déroule à Londres – l’histoire d’un auteur de BD pornos.

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Quelles évolutions constatez-vous dans votre métier d’auteur de bandes dessinée ces dernières années ?
Je sens une anxiété grandissante dans la profession. La création récente d’un syndicat, si elle est révélatrice d’une certaine maturité des auteurs, montre aussi qu’il existe une réelle inquiétude concernant l’avenir du livre. D’un côté, il n’a jamais été aussi passionnant de travailler dans la bande dessinée, tant la liberté de créer est grande. Mais de l’autre, avec les nouveaux contrats et les négociations autour du numérique, les choses sont plus tendues. Toutefois, je ne suis pas obsédé par ces questions. Les gens auront toujours besoin de raconteurs d’histoires et de dessinateurs. Ce qui me travaille vraiment, c’est de progresser. Et je suis assez content, car je commence à faire les livres que j’ambitionnais de faire au début, ceux qui m’auraient plu quand j’étais plus jeune.

Propos recueillis par Benjamin Roure

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bouton_nbd Une Vie sans Barjot.
Par Stéphane Oiry et Appollo.
Futuropolis, le 10 mars 2011.

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