En 1958, la France connaît une grave crise politique face à l’incapacité des pouvoirs à régler le conflit en Algérie. Un homme incarne alors une solution : De Gaulle. De retour après une traversée du désert de 12 ans, il dirige une nouvelle République taillée sur-mesure pour lui, la Cinquième République. Mais la guerre en Algérie est loin d’être réglée et le danger rôde autour du président. Dans ce contexte politique tendu, quatre hommes se distinguent : les « gorilles » du président, autrement dit, ses gardes du corps. On compte parmi eux Santoni, un Corse qui fit ses premières armes dans la Résistance et dont un des fils combat en Algérie ; Zerf, mi-Kabyle, mi-Français, pris en étau entre ses deux origines ; Bertier, le boxeur fougueux, archétype de l’armoire à glace au grand cœur ; et enfin Milan, la nouvelle recrue, et le nouveau chef, formé à Quantico auprès du FBI, et remplaçant de Brémaud, débarqué mystérieusement.

En septembre 1959, l’heure est au choix pour le président De Gaulle : l’indépendance, la francisation des Algériens – donc l’égalité devant la loi – ou un gouvernement algérien « épaulé » par les Français. Le président sait qu’il y aura des mécontents de toute façon, et se sait être une cible, que ce soit du côté du FLN algérien comme du côté des Français, déçus de la tournure que prennent les évènements. Le rôle des quatre gorilles apparaît comme primordial : arriveront-ils à protéger le président, tiraillés entre enjeux personnels et devoir envers la patrie ?  

Au scénario, Xavier Dorison propose une histoire ciselée entre réalité et fiction, s’appuyant sur des personnages ayant réellement existé, mais se donnant le droit de leur offrir des trajectoires plus singulières pour davantage d’épaisseur. C’est très réussi. Un cahier explicatif en fin d’ouvrage donne à comprendre ce travail scénaristique intelligemment mis en œuvre. Au dessin, Julien Telo offre à cette histoire une dimension classique dans la plus noble acception du terme. Dans un style réaliste, il travaille les expressions des visages avec soin : rides, ombrages, expressions marquées, etc. Les gardes du corps ont les mâchoires carrées et des postures dynamiques qui permettent à cette BD de se présenter surtout comme un récit d’action. Les détails historiques en fond sont soignés : voitures, costumes, décors urbains, la reconstitution est crédible. Enfin, le découpage propose une lecture à la fois fluide et tendue, et le travail de colorisation de Gaétan Georges oscille entre des tons ocres ou gris, sans jamais pour autant être répétitifs et ennuyeux.

Cette BD se distingue autant par l’angle original d’une histoire largement connue, que par le classicisme assumé de son trait. Une franche réussite qui sera suivie de deux tomes à paraître.