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Les + du blog : Manu Larcenet

22 février 2008 |


 

Manu Larcenet n’aime pas répondre aux interviews. Mais quand il finit par accepter, il se livre suffisamment pour nourrir non seulement une interview de quatre pages dans BoDoï 116 mais aussi un supplément web ! Retour sur le dernier tome du Combat ordinaire (à paraître le 7 mars chez Dargaud) et sur la carrière de son auteur.

Manu Larcenet livre son dernier Combat
(temps additionnel)

La guerre est un thème très présent dans
Le Combat
.
Manu Larcenet : Pas la guerre en général, mais celle d’Algérie en particulier. C’est une guerre secrète que mon père a vécue et dont il n’a jamais dit un strict mot. Parce qu’il se sentait mal à l’aise d’y avoir participé et n’avait pas envie de transmettre la peur qu’il avait ressentie. La guerre d’Algérie fut une guerre coloniale sans équivalent dans notre monde actuel. Un conflit de cette nature ne serait plus possible, car les mentalités ont évolué.

Mais vous abordez régulièrement la guerre : dans Lignes de front, Presque… Pourquoi autant parler d’un événement que vous n’avez jamais connu ?
Mon obsession, c’est le conflit. Je vis en me confrontant aux autres, et pourtant je déteste ça. En parler permet de me laver de ce que j’ai dans le crâne.

Certaines scènes du Combat ordinaire pourraient parfaitement être supprimées. Comme celle où l’on voit une grand-mère venir sur la tombe de son mari pour lui rendre hommage, et dire finalement au mort ses quatre vérités.
En fait, on pourrait se priver de presque toutes les scènes du Combat. Je ne garde que celles qui permettent de renforcer un point de vue sur ce que ressent Marco. J’ai souvent croisé dans les cimetières des gens éplorés, à la larme complaisante. Marco, lorsqu’il vient sur la tombe de son père, ne sait pas très bien ce qu’il ressent lui-même. Cela s’est traduit par cette séquence plutôt humoristique.

Parmi les belles trouvailles graphiques du Combat, il y a un jeu sur les regards.
Ça vient de Blutch et de Goossens, qui s’amusent à marier un dessin réaliste avec des expressions typiques des gros nez. Notamment les regards rendus par deux flaques blanches pour exprimer la tristesse.

Celui de la fille de Marco, Maude, est traduit par deux billes noires et brillantes.
Je ne pense pas avoir réussi à obtenir ce que je voulais. D’ailleurs, le personnage de Maude m’a demandé beaucoup de travail. J’ai mis du temps à rendre sa vivacité. La bande dessinée classique a tendance à projeter dans les enfants des réactions d’adulte, comme par exemple dans Corinne et Jeannot de Tabary. Faire le tri entre ce que l’on projette et ce qui est juste est vraiment difficile. J’ai essuyé les plâtres avec Maude.

Vous travaillez déjà sur un nouveau projet : BLAST.
Quand on achève une aventure comme celle du Combat ordinaire, il faut vite trouver des voies de dégagement ! BLAST sera un gros livre. Avec le temps, j’ai acquis la confiance des lecteurs. Je peux maintenant leur proposer de plus gros ouvrages, comme BLAST, qui s’inspire du manga.

« Mon obsession,
c’est le conflit »

Manu Larcenet

Êtes-vous un grand lecteur de manga ?
Pas du tout. Je lis les plus connus, comme ceux de Jirô Taniguchi. J’ai pu apprécier chez lui l’utilisation du silence, son goût pour les blancs. Il m’a appris qu’on pouvait faire une case sur le vent ! Quand je pense qu’on glose la violence des mangas…

Pourquoi avoir transformé votre blog en site ?
Je n’utilisais pas toutes les fonctionnalités d’un blog. Impossible de me laisser un commentaire par exemple. J’apprécie de pouvoir publier de multiples travaux – croquis, photos, vidéos – et de partager mes découvertes musicales ou littéraires. Seul souci : les plateformes de blog sont vraiment moches. J’ai donc demandé à ma copine Anita, qui s’y connaît beaucoup mieux que moi en informatique, de me concevoir un site. Elle a réalisé une mise en page sympa qui a une véritable identité.

Pourquoi avoir monté une maison d’édition en 1998, Les Rêveurs ?
Je n’avais pas l’ambition de devenir éditeur, mais plus égoïstement de sortir mes livres. A l’époque, tout comme maintenant, je n’étais pas très apprécié dans le milieu des indépendants. Et à Fluide Glacial j’étais là pour faire rire. Les autres grands éditeurs voulaient tous que je publie chez eux des trucs marrants. Mais moi, je voulais raconter autre chose. Aujourd’hui, Les Rêveurs marchent bien. J’ai un public sympa qui accepte de me suivre sur des projets très différents. Par contre, je déteste jouer le rôle de l’éditeur. Surtout quand il s’agit d’assumer les problèmes inévitables qui jalonnent le parcours d’un livre entre mon atelier et les mains du lecteur. Ça, je le laisse à Nicolas Lebedel, le vrai boss des Rêveurs. Je n’accompagne pas non plus les auteurs : on me soumet des projets que je prends, ou pas. Ce que j’apprécie surtout, c’est la liberté de pouvoir trouver aujourd’hui un beau papier chez le libraire, et le lendemain de l’utiliser pour un livre. C’est aussi un vrai bonheur de publier quelqu’un comme Daniel Casanave et de voir son Baudelaire dans la sélection officielle du Festival d’Angoulême.

« Je fais mes albums,
tête baissée ! »

Manu Larcenet

Avec le succès, pouvez-vous désormais présenter tous les projets qui vous passent par la tête ?
C’est plus facile maintenant que certaines de mes séries ont un gros tirage, c’est indéniable ! Mais il est toujours compliqué de passer d’un registre à l’autre quand on a habitué les gens à vous lire dans un style. Avec l’âge, j’ai tendance à me recentrer sur l’élaboration des livres plutôt que sur le reste. Je fais mes albums, tête baissée, en essayant de ne pas tenir compte des désirs des uns ou des autres. 

Propos recueillis par Allison REBER
Images © Dargaud
 
 
 

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