Dans cette petite ville de bord de mer, on aime la musique. Lionel est un crooner à l’ancienne, qui reprend Sinatra avec succès depuis des années. Dans la génération suivante, le trio composé de Martha (bourgeoise qui rêve d’une vie rock’n’roll), Iris (fauchée, douée et rentre-dedans) et Valentin (ado attardé) jouent des reprises avec un certain talent sous le nom de Supersonic Pizza Club. Mais alors qu’ils arrivent à un niveau qui leur permettra de remplir des salles plutôt que des fast-food, les ambitions et envies de chacun vacillent. Avec deux spectres en arrière-plan : la crainte de marcher dans les pas de la tristounette gloire locale Lionel, et l’anniversaire des 27 ans qui approche, nombre fatidique du Club des 27, ces génies morts à cet âge-là avec déjà une carrière immense derrière eux, tels Jim Morrison ou Amy Winehouse…

Après Morgane Fox, la seconde bande dessinée de Louise Laborie se pose de nouveau dans une petit ville anonyme, mais suit des personnages plus grands, des post-ados qui se cherchent une porte de sortie et une carrière possible. Entre rêves de gloire ou à tout le moins d’un ailleurs, et la cruelle réalité d’un monde du spectacle si concurrentiel. Avec son trait rond et sa mise en couleurs marquée, joliment ombré façon aérographe, elle brosse leurs portraits avec une belle empathie, à tel point qu’elle accroche facilement son lecteur. Pourtant, son intrigue est toute simple et pourrait même paraître fade et creuse. Mais sa mise en scène impeccable, son sens du suspense, et sa manière subtile de construire ses protagonistes – avec leur luminosité et leurs failles – et de tisser les relations entre eux font qu’on dévore Rocknroll Suicide avec un plaisir non feint, comme on réécoute avec gourmandise un vieil album de Bowie.