Thomas a grandi dans un pavillon de la banlieue d’Angers avec Pierrette et Bernard, ses parents. On est dans les années 1980, et ce que ce fils unique aime par-dessus tout, c’est enfourcher son vélo bicross ou un cheval (« le plus grand! ») ou bien jouer à « Sankoukaille ». Pour les vacances, la petite famille part en camping et ça se passe plutôt bien, même si Bernard a oublié les piquets de la tente.

Quarante ans plus tard, Thomas est devenu père à son tour. Avec Fanny, ils élèvent leurs deux filles en région parisienne. De temps en temps, ils rendent visite à Bernard et Pierrette, rebaptisés Papi et Babou, toujours dans la même maison à l’immuable décor de nappe fleurie et d’assiettes décoratives sur les murs. Las ! Ses parents ne sont pas immuables et accusent le nombre des années. Thomas se retrouve confronté aux divers maux inhérents au grand âge de ses parents, devenus dépendants : l’un se retrouve en fauteuil roulant tandis que la mémoire de l’autre flanche sérieusement.

C’est dans cette tragédie ordinaire et prévisible que Thomas Brosset a puisé l’inspiration pour sa première bande dessinée, une « auto-fiction réparatrice » où il « articule sans cesse souvenirs personnels et mémoire collective ». Tous derrière et eux devant fait référence à la chanson de Georges Brassens, Le Petit Cheval (qui se souvient avoir appris cette chanson triste à mourir à l’école primaire ?) : un cheval tire le collectif, jusqu’à sa mort. Bernard a guidé sa famille, jusqu’à glisser de l’échine du cheval et céder sa place, comme le suggère le dessin de la couverture.

L’auteur, ethnologue de formation et graphiste de métier, s’est mis au dessin sur le tard, découvrant l’art brut et y trouvant un écho à ses études d’anthropologie : « Personnages maladroits, hybrides ou siamois, animaux indéfinis. Corps nus, sans attributs sociaux, sans décors » lui permettent de mettre en avant « les invariants humains », explique-t-il sur son site. « Je dessine comme je jouais, enfant, aux Playmobil, j’approche mon visage très près du papier, j’entends les voix des personnages dans ma tête. »

En alternant les scènes du passé et celles d’aujourd’hui, l’auteur fait dialoguer son enfant intérieur et l’adulte qu’il est devenu, tâchant de se pas s’effondrer sous le poids des responsabilités qui incombaient autrefois à ses parents. La scène finale illustre d’ailleurs ce dialogue, nous laissant pantelants.

Un récit universel empli de tendresse, de souvenirs, de fatalité mise à distance par l’humour et par l’amour qui lie les générations. Nul doute que les enfants devenus parents de leurs parents y puiseront quelque réconfort.