Barrier



Liddy habite au fin fond du Texas, dans le patelin de Pharr, accroché à la frontière mexicaine. Elle découvre la tête d’un cheval égorgé au beau milieu de son champ. De simples criminels ? Un cartel de la drogue ? Un peu plus loin au sud, au Honduras, Oscar cherche à quitter son pays pour rejoindre la frontière américaine. Oscar et Liddy vont finir par se croiser en plein désert pour le meilleur et pour le pire. Mais surtout le pire…
C’est peu dire qu’on attendait le nouveau projet de Brian K. Vaughan (Saga, Y le dernier homme, The Escapists, Paper Girls) et Marcos Martin, après l’excellent The Private Eye, polar futuriste et puissante réflexion sur les nouvelles technologies, fossoyeurs de nos libertés. Mais Barrier, expérience narrative (un peu ?) absconse, est plus proche du navet que du chef-d’oeuvre. Oui, la frontière est parfois mince. Rappelons que cette histoire a été entièrement auto-éditée sur le site dédié des auteurs. Une manière de rester libre en termes de création et de compter sur la générosité des lecteurs, libres eux aussi de contribuer à la hauteur de leurs moyens. Seule question, (puisqu’elle est posée en postface), cette histoire désormais contée dans un album au joli format à l’italienne mérite-t-elle d’être « lue » ? Car c’est un ambitieux projet, très risqué.
Barrier, à mi-chemin entre la chronique sociale (une histoire d’ immigration) et une SF psychédélique, est en effet un comic book trilingue non-traduit pour ses parties espagnole et extraterrestre (véridique). Non pas quelques bulles ou pages mais bien des séquences entières. Alors on pousse l’idée jusqu’au bout : pourquoi la partie « anglaise » a-t-elle été traduite ? Premier souci. Deuxième souci, on ne comprend rien (ou presque) même si les dessins et l’histoire sont assez simples ou explicites. C’est un peu l’idée, se concentrer sur l’ambiance, le contexte, les dessins, pour saisir ce que le texte se refuse à dire. À la limite, pourquoi pas, l’incompréhension est inhérente au projet et même revendiquée si l’on se réfère à son ambition : « Marcos et moi étions excités à l’idée de tenter de raconter une histoire sur la façon dont le langage peut nous diviser, en nous servant du langage universel des comics. » Bien sur le papier, très bien même, mais dans la réalisation, Barrier ne convainc pas. Mais pas du tout. Outre l’espagnol qu’on ne maîtrise pas, les séquences extraterrestres, parfois très belles visuellement, virent presque au navet puisqu’on y comprend toujours pas grand-chose et les intentions de fond deviennent encore plus floues voire mièvres.
Seuls les dessins, avec leurs cadrages dynamiques, et le découpage, plein d’énergie, maintiennent vif l’intérêt car c’est le seul moyen de se raccrocher à l’histoire. Comme pour certains films (The Tree of Life), on ne sait pas au juste si l’on a affaire à un ratage total ou une grande oeuvre. Saluons au moins la prise de risque puis l’ambition narrative, originaux, et la confiance placée dans le lecteur. Peut-être trop grande. Nous avons choisi notre camp pour Barrier. Et vous ?
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