Un commissariat de banlieue parisienne, ses équipes de policiers en tenue et les personnes qui gravitent autour : petits dealers, maris violents, malades mentaux à différents degrés de gravité, jeunes qui zonent sur la dalle faute de mieux, voleurs de voitures ou de sacs à mains, toxicomanes… Voilà le « casting » de cette BD documentaire, tirée d’une longue immersion de Pauline Guéna dans une cité de l’ouest francilien.

Après avoir écrit 18.3 – Une année à la PJ, dont le film La Nuit du 12 s’était inspiré, la scénariste délaisse les grosses affaires pour la police de tous les jours, pour donner la parole aux fonctionnaires de quartier ainsi qu’à leurs « clients ». Il en ressort une vision réaliste de l’activité ordinaire, qui met au jour l’aspect social de la police de proximité : la plupart du temps, elle ne mène pas de grandes enquêtes mais se confronte quotidiennement à la misère des banlieues pauvres dans sa plus crue nudité. Parents travaillant trop pour un salaire de misère et ne pouvant surveiller leurs ados, dépressifs chroniques suicidaires ou psychotiques sans soutien familial, petites bandes de jeunes adultes traficotant en bas des tours, voisinage excédé par les incivilités et la violence… Cette réalité-là change la vision de la société des hommes et des femmes entrés dans la police pour sauver des vies. C’est ainsi que le confient « face caméra » plusieurs d’entre eux. En face, les habitants racontent les contrôles excessifs et leur incompréhension du travail de la police…

Cet album, dessiné dans un style sobre et expressif par Mahi Grand (L’Algérie, c’est beau comme l’Amérique), a le mérite du réalisme et de dés-hystérisé un sujet souvent mal traité, par le prisme des émeutes ou des bavures. Et de faire parler des policiers d’une manière honnête et frontale. Toutefois, il porte aussi les limites de l’exercice : en accumulant les petites saynètes – touchantes, désarmantes, voire parfois drôles –, il n’offre pas une incarnation suffisante et semble rester en surface. Que veulent nous dire, au final, les auteurs ? Le constat est en partie posé, mais après ?