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BoDoï, explorateur de bandes dessinées – Infos BD, comics, mangas | April 18, 2024















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Du pixel au papier : rencontre avec Kamui Fujiwara

10 décembre 2014 |

Les férus de shônen l’ont réclamé, Ki-oon l’a fait : Dragon Quest – Emblem of Roto paraît enfin sous nos latitudes, deux décennies après l’édition originale. Et pour marquer le coup, la maison d’édition a convié son auteur à Japan Expo, le carrefour annuel des otakus made in France. S’il est connu pour avoir posé sa pierre à l’édifice Dragon Quest, figure dorée du jeu vidéo japonais aux personnages dessinés par Akira Toriyama, Kamui Fujiwara est toutefois un artiste éclectique, actif depuis 1979 et loin de se limiter à cette saga – nous l’avions en effet découvert avec Raïka, chez Glénat… en 1997 ! Malgré ses airs de trentenaire fan de pop culture, c’est donc bien à un vétéran que nous avons à faire, dont le regard ferme et la sérénité monolithique trahissent l’âge réel (55 ans). Nous sommes revenus, en compagnie de deux autres médias, sur les problématiques d’adaptation d’une licence forte en bande dessinée, à l’époque où le shônen étincelait et le pixel était roi.

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PlanèteBD : Comment êtes-vous arrivé sur le projet d’adaptation de Dragon Quest ?

J’étais vraiment très passionné par la série et j’avais toujours eu l’envie de transformer cet univers en manga. J’avais même déjà fait des essais dans mon coin, en tant que fan. Quand Enix a lancé son magazine de publication, le Monthly Shônen Gangan, j’ai décidé de postuler pour dessiner une adaptation de la série. Et voilà !

FFDream : Quel est votre épisode de Dragon Quest préféré ?

Mon épisode préféré est le troisième [paru en 1988 sur Nintendo Famicom, équivalent japonais de la NES, ndlr].

BoDoï : N’est-ce pas l’épisode qui fut à l’origine d’un accord tacite interdisant la sortie des jeux Dragon Quest en semaine pour éviter les absentéismes scolaires et en entreprise ? Où étiez-vous, le jour de sa sortie ?

Hum… [rires] J’ai un peu de mal à m’en souvenir mais je ne me rappelle pas avoir fait la queue, donc je ne faisais pas partie des acheteurs forcenés du jour de la sortie. Du premier au troisième, je les ai tous achetés chez mon revendeur, tranquillement – on les trouvait sans trop de difficultés. Et à partir de Dragon Quest IV, Enix, l’éditeur du jeu, me les envoyait directement à la maison.

FFDream : Qu’est-ce qui symbolise le mieux Dragon Quest, pour vous ? Que doit-on retenir quand on l’adapte en manga ?

Pour ce qui est du jeu, c’est un peu difficile d’expliquer ce qui fait la nature d’un Dragon Quest… Quant au manga, ce qui le représente le mieux est une scène que vous allez bientôt lire en français – attention, spoiler ! –, une scène de bataille où le roi des bêtes et son armée de 10 000 monstres font face à un héros. Je vous laisse imaginer ce passage qui, pour moi, représente bien le manga Dragon Quest – Emblem of Roto.

kamui-fujiwara-illuBoDoï : Quelle est la marge de manœuvre d’un mangaka qui travaille sur la licence Dragon Quest ?

Imaginez-vous qu’à l’époque, on jouait encore sur NES. Dragon Quest III, par exemple, est un petit amas de pixels comparé à ce que l’on peut avoir maintenant. La représentation des monstres, notamment, était donc très éloignée des designs originaux, qu’on n’avait pas forcément en tête en jouant. Moi, je dessinais à partir de ce que j’avais imaginé de mon expérience de joueur. Plusieurs fois, on m’a dit que «Non, ça ne va pas, le monstre ne ressemble pas du tout à ça !» en me montrant les designs originaux. Et c’était en effet très différent de ce que j’avais imaginé à partir de mon expérience de jeu.

PlanèteBD : À l’inverse, avez-vous pu prendre des libertés par rapport aux jeux vidéo ?

Pour le reste, j’ai vraiment été très très libre, je n’ai ressenti aucun carcan au niveau de la création. D’ailleurs, beaucoup de choses ne sont pas dans les jeux : l’armée des 10 000 monstres dont je parlais tout à l’heure, le fait qu’il y ait trois héros, les magies que j’ai inventées,… Vraiment, j’ai eu carte blanche pour créer ce dont j’avais envie.

PlanèteBD : Et par rapport au character design d’Akira Toriyama, quelle était votre liberté ?

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Akira Toriyama a créé le design original des monstres, mais certaines choses n’avaient pas été conçues. Le dos des créatures, par exemple. À ce niveau-là, j’étais donc plutôt libre. J’ai parfois dû inventer à partir du style Toriyama, mais sans vraie contrainte.

FFDream : Tentiez-vous justement de vous rapprocher au maximum de Toriyama ?

Oui, j’essayais de me mettre à la place des lecteurs, qui avaient envie de retrouver une certaine patte Toriyama. Je tentais donc de me rapprocher de ce qu’aurait pu faire l’auteur lui-même, pour répondre à l’attente du public.

BoDoï : Pour vous, quelle est la différence entre le shônen actuel et celui de l’époque d’Emblem of Roto ?

Je pense que le shônen d’aujourd’hui est destiné à un public un peu plus âgé et correspondrait peut-être davantage au seinen de l’époque. Ce n’est pas un jugement de qualité : je pense simplement que les éditeurs répondent à une demande d’un public plus vieux, maintenant, que ce qu’il était à l’époque.

devilman-coverBoDoï : Et si l’on pense aux shônen des années 1970 – par exemple Devilman –, qui pouvaient s’avérer très adultes, y aurait-il eu un changement de ton vers un public plus jeune à partir des années 1980 ?

Devilman est tout de même une œuvre très à part et très spéciale dans l’univers du shônen ! Je pense qu’à l’époque, il y avait aussi beaucoup d’œuvres shônen destinées à un public nettement plus jeune. Après, traditionnellement, on estimait qu’une publication devait durer entre trois et six ans car elle évoluait avec son public. Une fois celui-ci arrivé à un certain âge, on arrêtait la série. Mais il y a toujours eu des shônen qui ont réussi à continuer d’être publiés… – et surtout, on devait continuer à publier tant qu’on vendait suffisamment d’exemplaires ! Si le shônen a changé, je pense donc que c’est parce que certaines œuvres ont continué d’exister malgré le changement de génération. Même arrivés à l’âge adulte, les lecteurs ont continué à lire ce manga qu’on appelait shônen à l’époque, ce qui a entrainé le changement dans le public visé.

PlanèteBD : En France, on a d’abord connu l’univers de Dragon Quest en manga par la série Fly / Daï no Daïboken, qui a également été un gros succès au Japon. Au moment de créer votre série, aviez-vous cette série en tête, en tant que modèle ? Ou souhaitiez-vous vous en détacher ?

Avant de commencer à travailler sur Emblem of Roto, je n’avais jamais lu Daï no Daïboken. Une fois mon travail entamé, j’ai tout de même un peu lorgné du côté de cette série pour vérifier, justement, si on n’avait pas traité ce même univers de référence de façon similaire. Si on ne retrouvait pas les mêmes gags ou les mêmes histoires.

kamui-fujiwara-illu2FFDream : Vous avez été character designer dans le jeu vidéo [sur les jeux de rôle Terranigma ou Grandia Xtreme, ndlr]. Seriez-vous prêt à réitérer l’expérience ? Et pourquoi pas sur une adaptation de votre propre manga ?

Travailler à nouveau sur un jeu vidéo ? Évidemment, si on me le propose, c’est un travail que j’apprécie beaucoup ! Une adaptation d’Emblem of Roto en jeu vidéo Dragon Quest, en revanche, je n’y mettrais pas ma main à couper du tout ! Mais si ça se fait… hourra, bonheur ! Pour ce qui est du travail de character designer, c’est en fait beaucoup plus facile que le travail de mangaka : une fois que j’ai réalisé mes personnages, je les livre au développeur du jeu et mon rôle s’achève là. Alors qu’un manga, je dois continuer à le dessiner semaine après semaine. Donc oui, pourquoi pas, le jeu vidéo c’est très bien ! Venez, appelez-moi ! [rires]

BoDoï : Quelle serait votre classe de personnage, dans un jeu de rôles du type Dragon Quest ? Éventuellement, de quel personnage vous sentez-vous le plus proche dans Emblem of Roto ?

Votre question est compliquée ! Parce qu’entre la classe de personnage que je préfère jouer et celle que je voudrais incarner si j’étais dans le jeu, là, vous me posez une colle ! Et puis après, suis-je tout seul ou accompagné ? Par quels genres de personnages ? C’est super complexe, ce que vous me demandez ! [rires] Si je devais choisir, je pense que je prendrais ce qui est le plus éloigné de la réalité : un mage, qui peut faire un peu ce qu’il veut. De même, les personnages que je préfère dans Emblem of Roto sont ceux qui peuvent utiliser la magie.

kamui-fujiwara-portrait-2PlanèteBD : Pour rester dans le jeu vidéo, avez-vous le temps de jouer, aujourd’hui, notamment à des jeux de rôle ? Si oui, lesquels vous ont plu dernièrement ?

Je joue toujours, évidemment, à la série Dragon Quest. En ce moment, je joue un peu à Iru to Luca [Dragon Quest Monsters 2 : Iru to Luca no Fushigi na Fushigi na Kagi, ndlr], un spin-off sur Nintendo 3DS. Mais le jeu qui m’accroche le plus est sur smartphone, c’est une application basée sur Dragon Quest Monsters qui s’appelle Dragon Quest Monsters Super Light, dont je suis très fan.

Interprètes : Odilon Grevet et Mai Ono.
Merci à Ahmed Agne et Victoire de Montalivet.

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Dragon Quest – Emblem of Roto.
Par Kamui Fujiwara.
Ki-oon, 6.60€, tome 6 le 13 novembre 2014 (21 tomes prévus).

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Illustrations de Dragon Quest – Emblem of Roto © 1991-1997, 2006 Kamui Fujiwara / SQUARE ENIX © 1991-1997 Junji Koyanagi / SQUARE ENIX © 1991-1997, 2006 SQUARE ENIX CO., LTD. All Rights Reserved. Devilman © by NAGAI Gô / NAGAI Go / Kôdansha.
Photos de Kamui Fujiwara © Ki-oon.

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