« L’Emmentaliste » : quand les Requins Marteaux s’intéressent au plasticien Gilles Barbier
Paru en mars dernier chez Les Requins Marteaux, L’Emmentaliste est un singulier ouvrage consacré au travail, sous influence de la bande dessinée, du plasticien Gilles Barbier.
Depuis longtemps déjà les Requins Marteaux s’amusent à tisser des liens entre la bande dessinée et l’art contemporain. On se souvient avec plaisir de la collaboration réussie entre Morgan Navarro et Le Gentil Garçon, dont un monumental et encyclopédique nouvel ouvrage vient justement de paraître. Ici, c’est vers Gilles Barbier que l’éditeur se penche, avec un catalogue d’exposition montrant la grande influence du neuvième art sur le plasticien.
Nous découvrons donc différentes œuvres d’un auteur à l’univers foisonnant et aux connexions multiples. Parmi elles, certaines frappent comme « Les Vers », « Le Monde en forme d’histoire tissée » ou le célèbre « L’Hospice » mettant en scène six super-héros décrépis en maison de retraite. Déjà admirée lors de l’expo Vraoum ! à la Maison rouge (photo ci-dessous), cette sculpture est la porte d’entrée parfaite dans le travail de Barbier, ses œuvres s’étendant d’un réalisme cru à une semi-abstraction, mais restant toujours pertinentes et accessibles.
Volontiers armé d’un humour acide, Gilles Barbier est souvent là où on ne l’attend pas, tout en gardant une implacable logique. À ce titre, la collaboration avec les Requins Marteaux et Winshluss – qui signe la superbe couverture et une planche très drôle détournant les réclames de VPC qui promettent musculature et intelligence –, sonne juste. On apprécie aussi les textes de Jacques Samson, critique de bande dessinée québécois. Il semble très bien maîtriser l’œuvre du plasticien et offre des textes à la fois riches et concis qui donnent les clefs nécessaire à notre découverte.
L’ouvrage a quelques défauts mineurs, qui se muent tantôt en qualités : l’impression imparfaite pourrait rendre hommage à une certaine culture pulp; la navigation entre œuvres et légendes n’est pas évidente – les textes se trouvant dans un cahier et les reproductions dans un autre –, mais c’est l’occasion d’une quête ludique qui fonctionne assez bien.
Le seul vrai gros reproche à faire à ce livre est son choix de maquette dans les textes. Le travail de la graphiste Fanette Mellier est présenté comme une création typographique inédite, mais on se retrouve avec des textes pénibles à lire par leur maquette tortueuse que rien ne justifie. À vouloir explorer trop de champs – art contemporain, bande dessinée, critique, typographie –, l’objet se perd en chemin.
Heureusement, il ne s’agit là que d’une question marginale, et il ne faudrait pas qu’elle détourne le lecteur curieux d’un ouvrage atypique réussissant à mettre en valeur la cohérence d’un artiste tout en le faisant habilement dialoguer avec ses inspirations multiples.
Maël Rannou
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L’Emmentaliste.
Par Gilles Barbier, Jacques Samson, Fanette Mellier, et Winshluss.
Les Requins Marteaux, 18,20 €, le 9 mars 2012.
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