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Les troublants « Tumultes » d’Hugues Micol

5 février 2016 |

Une aventure riche, étonnante, baroque. Difficile de décrire précisément l’intrigue de Tumultes, tant elle est mouvante : on y suit Sabre, un agent, qui enquête sur une mystérieuse secte, et les transformations d’humains suite à l’ingestion d’un curieux ingrédient… Son auteur Hugues Micol (Le Printemps humain, Bonneval Pacha, Le Chien dans la vallée de Chambara…) poursuit ainsi une passionnante expérimentation graphique, commencée avec 3 puis Séquelles, où il explorait une histoire similaire.

micol_portraitComment avez-vous imaginé cette trilogie ?

Le premier épisode a été réalisé fin 1996, a été publié en 2000. C’était le remake d’une BD plus ancienne, dont j’ai totalement oublié l’origine… Je sais juste que j’aime creuser, jouer avec les contraintes, les cadres, et que je suis un spécialiste des boucles ! Avec 3, je souhaitais faire un manga, c’est-à-dire un album en noir et blanc auquel on ne comprenait pas grand-chose – c’était l’opinion d’un crétin que j’avais entendu à la radio sur le genre, et ce n’était pas loin d’être la mienne. Je cherchais avant tout à me faire plaisir, et à finir le livre, puisque pendant des années j’ai eu du mal à aller au bout d’un projet. Pour que ce truc un peu obscur et ésotérique ait du sens, il fallait qu’il s’étale sur la longueur. Je me suis obligé à improviser, à travailler à main levée. En 2006, Séquelles a été une façon de revenir différemment sur cet univers, avec des dialogues [3 était muet, NDLR], et surtout d’expérimenter encore. J’ai repris l’histoire en la sophistiquant, avec des héros plus présents, moins abstraits. Presque dix ans après, a resurgi l’idée de m’y remettre : pour Tumultes, je voulais une BD plus classique, avec un début une fin, davantage de sentiments, des personnages encore plus incarnés. Après une version pop, une autre baroque, j’ai réalisé un album classique. Peut-être ferais-je une version réaliste dans dix ans ?

micol_1Quelle était la contrainte de Tumultes ?

Je voulais jouer sur la boucle du temps, ce gros cliché de la science-fiction. Mon héros, Sabre, a dix ans de moins que dans le précédent livre. C’est un soldat, un militaire dans l’action permanente. Comme Tintin, c’est un personnage assez neutre — ce sont les personnages secondaires qui font le sel de l’intrigue. Il est inspiré par le héros du film Punch-Drunk Love de Paul Thomas Anderson : il vient, comme lui, d’un univers très féminin, où on l’a moralement castré. Il fuit dans la bagarre… Gabriel, lui, est l’incarnation de l’aventure, de la liberté. C’est un ange très cool, un Big Lebowski à la française, qui m’a été un peu inspiré par Thomas Gabison, éditeur chez Actes Sud BD. Enfant, j’ai été très marqué par Les Sept Samouraïs d’Akira Kurosawa, que j’avais vu en douce à 10 ans. Dans ce film de chevalerie sublime, on voit évoluer un groupe dans lequel chacun a un rôle précis : il y a le romantique, l’intelligent, le rigolo… La narration fonctionne ainsi très bien.

Pourquoi mettre en scène une étrange secte ?

J’adore les écrits d’Aleister Crowley [considéré par certains comme le « père du satanisme moderne », NDLR]. Je trouve les sectes comme l’Ordre du temple solaire ou la Scientologie à la fois flippantes et drôles. J’ai vu des vidéos de gens avec des capes rouges à deux francs, et des épées avec une petite lumière au bout… Je suis fasciné par le fait que des gens éduqués puissent finir dans ces organisations, alors que ce ne sont pas des crétins. J’ai gardé le côté théâtral, baroque, décadent des sectes. Je joue avec.

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Pourquoi un poisson tient-il ce rôle modificateur des corps ?

Je ne sais plus trop… Je cherchais une drogue qui change la nature de l’humain. Le poisson est un peu visqueux, ça m’a bien plu. Peut-être est-ce venu du récit Las Vegas Parano, de Hunter S. Thompson, pour qui la drogue la plus forte est la glande pinéale humaine.

Pourquoi changer de décor, en effaçant les références à Tokyo, cadre des épisodes précédents ?

J’étais lassé de dessiner des pagodes ! Surtout, je suis sorti du manga, je suis dans une période « comics ». Je trouve le trait de Jack Kirby merveilleux : c’est un dessinateur qui donne à ressentir la jeunesse, son univers est charmant, ses cadrages modernes et intelligents. Il a été mon influence majeure pour Tumultes.

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Quelle technique avez-vous utilisée ?

J’ai fait dans le classicisme : un crayonné, de l’encre et un pinceau. Je suis revenu à ma manière habituelle de faire. J’ai cherché à obtenir une lecture fluide, mais j’ai travaillé comme un monteur de cinéma : en ajoutant des éléments au fur et à mesure, en modifiant des séquences déjà dessinées, quitte à beaucoup découper et redessiner ensuite…

Quels sont vos projets ?

Je vais publier le deuxième tome du Printemps humain chez Casterman. Et je prépare un western pour Futuropolis, qui me donne des suées… J’ai envie de le réussir ! Ce sera noir, sombre, violent, en noir et blanc, et sans cases.

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Tumultes
Par Hugues Micol.
Cornélius, le 30/06/2015, 25,50 €.

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