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Une intégrale « Vater und Sohn » chez Warum

20 juillet 2015 |

Leur duo est bien rôdé : le petit garçon aux cheveux ébouriffés, malin et facétieux, a toujours une petite bêtise qui se prépare dans un coin de la tête. Son père à la moustache sévère n’est jamais bien loin, prêt à sévir… ou à participer, parce qu’en vrai, ce jovial joufflu résiste difficilement à un bon gag. Voilà donc Vater und Sohn / Père et Fils. Une oeuvre incontournable du patrimoine de la bande dessinée allemande, peu connu en France. Aujourd’hui ce Calvin et Hobbes à l’allemande ressort intégralement aux éditions Warum, après une précédente version au Seuil en 1999.

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Leurs aventures muettes, dessinées d’une ligne claire, dégagent une drôlerie, une poésie et une tendresse complices, elles sont un régal de mise en scène et de jeux graphiques. De quoi contraster avec les conditions dans lesquelles ils ont été dessinés. Car Vater und Sohn est né dans l’Allemagne nazie, entre 1934 et 1937. Le dessinateur Erich Ohser était un social démocrate et violent caricaturiste antinazi. Après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, impossible pour lui de continuer à dessiner. Or, à la faveur d’un concours organisé par le Berliner Illustrirte Zeitung, il obtient l’autorisation de croquer son duo familial à la condition de prendre un pseudonyme – ce sera  E.O. Plauen, inspiré par le nom de sa ville de cœur – et d’éviter tout sujet politique. Il commence en 1934. Ses deux héros sont devenus extrêmement populaires. Mais, rattrapé par le régime, Erich Ohser accepte en 1940 de dessiner pour un hebdomadaire du Reich. En 1944, il est arrêté par la Gestapo pour des propos hostiles au régime, et se suicide en prison.

VATERUNDSOHN-COUVÉtroitement liés à leur époque, ces strips ne sont pas qu’une bulle de légèreté détachée du fascisme ambiant. « Un caricaturiste sans concession peut-il subitement dessiner des planche d’une grande fraîcheur, dans la tradition des espiègles chenapans ?», s’interroge l’universitaire Sylvain Farge, qui a longuement étudié l’oeuvre, dans un texte publié en postface du livre. Il s’est attaché à dénicher l’insoumission sous-jacente aux innocentes péripéties du père et son fils, comme la mise en cause de l’autorité (instituteur, garde-pêche) ou des traditions. «Il faut donc replacer les bandes dans leur contexte et, allant au-delà du scénario, reconnaître l’humeur qu’elles véhiculent ou dont elles témoignent pour se convaincre que Vater und Sohn ne dépeint pas un monde idéal, atemporel, et idyllique», écrit-il. Erich Ohser serait un exemple de ces intellectuels pour lesquels on a parlé d’«émigration intérieure», une attitude de résistance passive chez ceux qui n’ont pas choisi l’exil.

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Cette réédition, basée notamment sur des scans de journaux pas toujours en bon état (car les originaux ont été perdus ou brûlés), a nécessité de les nettoyer, retravailler, parfois compléter. Le lettrage, lui, a été établi à partir de des lettres nées de la plume de l’auteur, comme l’explique ici l’éditeur.

Vater und Sohn.
Par E.O. Plauen. Warum, 25 €, juin 2015.

 

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