La Crampe



Été 1973. Larry, vampire loser, viole Irma et recueille son bébé. Lui et Mogul, donc, son fils adoptif, survivent 40 ans plus tard dans Buenos Aires en faisant du commerce de cartons avant de prendre une décision radicale. Finie la pauvreté, finie la loose, fini de sucer le sang des hommes, le couple sociopathe veut désormais s’en sortir et s’intégrer. Et commence donc par voler des voitures avant de kidnapper par erreur un enfant…
Avec La Crampe, satire sociale bien rentre-dedans, qui suinte bon la loose et la crasse, l’auteur argentin Angel Mosquito signe un petit coup de maître. Ça débute sec avec un épilogue résolument trash qui donne le la : après un viol et un vol de bébé, Larry, inconscient criminel amateur, peut partir à la conquête du monde avec son fils. Deux vampires branquignoles improvisant leurs sorties et condamnés à de violentes crampes pour cause de manque d’hémoglobine, errent dans les rues de la capitale argentine en quête d’un avenir. Mais ils échoueront évidemment, non sans avoir rencontré toute la faune interlope des bas-fonds de Buenos Aires : flics pas malins, travelo aux gros seins, ado albinos enfermé dans un corps d’enfant mais doué d’une intelligence supérieure. La galerie de personnages, jamais lourde, rythme un thriller au suspens de bon aloi. Mais derrière « l’intrigue », c’est bien la peinture d’une ville et d’un pays qui domine : on sent le désespoir des laissés pour compte et des marginaux, l’accablement des exclus et des pauvres qui hantent les rues crasseuses de la capitale.
Le graphisme charbonneux et poisseux, lui, souligne un monde brut sans issue, violent pour les sans grade. On aurait pu déprimer en lisant cette BD mais Angel Mosquito, à l’image d’un Mark Beyer, a aussi et surtout un sens de l’humour diabolique, potache et intelligent, jouant sur le décalage entre les faits et leur perception. Plutôt que de décrire un mal-être souligné par des décors sommaires, Mosquito préfère narrer des péripéties grossières et maladroites. Résultat, Larry et Mogul, auteurs et victimes des pires cruautés, deviennent les acteurs détachés d’un cauchemar bien réel. Cruel et très drôle, ce thriller social constitue donc une excellente surprise.
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