Elsa est une jeune femme dynamique et séduisante, mais plombée par une relation compliquée, avec un dépressif, possessif et manipulateur. Jean, lui, conduit des trains, pas par vocation, mais parce que, quand sa petite Alda est née, il a fallu cesser de se prendre pour un aventurier. Émile, lui, n’entend plus rien depuis des années qu’un vrombissement sans fin dans ses oreilles. Ce rapatrié d’Algérie est dans la dernière partie de sa vie, et il songe sérieusement à l’écourter. Tous trois vont se croiser, sous le soleil de la Côte d’Azur, se connaître, à travers un journal intime ou une nuit d’amour…

Lauréate du Prix Raymond Leblanc de la jeune création pour ce projet, Aude Mermilliod impressionne pour son premier album. Bien sûr, quelques éléments de ce gros one-shot choral sont légèrement maladroits ou déjà vus, mais la structure de ce récit de quelque 200 pages est cohérente. Et surtout, elle appuie son scénario très romanesque sur une base on ne peut plus réaliste, que ce soit dans la description des relations entre jeunes qui se draguent ou des scènes familiales. Il faut dire qu’elle s’inspire directement de l’histoire de son grand-père et de son journal, lui qui vivait heureux en Algérie avant la guerre et la décolonisation, qui l’ont rendu raciste et aigri. Un parcours douloureux, que l’auteure fait se croiser avec deux autres plus contemporains et classiques, un artifice efficace. Graphiquement aussi, on sent qu’Aude Mermilliod n’a pas encore totalement trouvé son trait, notamment dans le niveau de détails utiles à apporter dans chaque case et le choix des cadrages parfois approximatif. Mais son dessin rond, léger et expressif est agréable, et sert joyeusement son propos. Un premier album bien ficelé et très prometteur, donc.