Les Sentiers d’Anahuac
Le sujet de l’album est magnifiquement résumé sur la couverture de ce grand format carré aussi limpide que majestueux : les divinités du territoire qu’on appellera le Mexique, avec leurs couleurs chatoyantes et leur style géométrique, luttent contre celles de l’Occident chrétien, sous l’oeil inquiet d’un autochtone converti. Mais le combat est inégal et les forces colonisatrices prendront vite le dessus. Avec, sous cette évangélisation massive, la perte d’une culture d’une richesse immense…
Spécialiste des thèmes historiques (Florida, #J’accuse, Les Illuminés, La Vision de Bacchus…), Jean Dytar s’associe ici à l’historien Romain Bertrand pour se plonger dans le Mexique du XVIe siècle. Une terre sous domination espagnole, dans laquelle les habitants tentent de perpétuer leurs rites et coutumes, alors que les colons – à travers leurs ecclésiastiques sur place – font tout pour les étouffer. Les auteurs s’appuient sur deux personnages réels pour conter cette histoire : le père Bernardino de Sahagún et le jeune Indien Antonio Valeriano. Le premier met en oeuvre une vaste enquête anthropologique visant à collecter le maximum d’informations sur les rituels et traditions du peuple colonisé, car c’est, dit-il, en les comprenant mieux qu’on arrivera à les effacer. Mais cette démarche est aussi une oeuvre de sauvegarde d’une culture qui, effectivement, se meurt sous le joug espagnol : un ouvrage monumental en ressortira…
À travers le récit de la création de ce qui sera nommé le Codex de Florence, les auteurs réussissent à peindre une période méconnue de la grande Histoire, montrant la prégnance de l’Église à des milliers de kilomètres de Rome, et comment certains de ses membres ont tenté de comprendre leurs nouvelles ouailles. On voit aussi comment les Indiens ont parfois trouvé leur place dans cette nouvelle ère, abandonnant bon gré mal gré leur passé. Et pour donner corps à ce passionnant portrait d’une époque, Jean Dytar – qui n’aime rien tant qu’accorder la forme au fond – mêle un trait noir et hachuré évoquant les gravures européennes, et un dessin coloré et vivant d’inspiration aztèque, dans des planches savamment composées, qui finissent par unir le meilleur des deux univers graphiques. L’ensemble est donc brillant, narrativement et visuellement, pour constituer un des plus beaux livres de l’année.





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