Soli Deo Gloria
Hans et Helma sont jumeaux et doués pour le chant et la musique. Ils se découvrent cette passion et ce talent au fil de leurs pérégrinations, depuis une morne campagne germanique où un vieillard leur offre un flûtiau, jusqu’aux ors des cours italiennes où ils créeront pour les puissants de ce monde, en passant par l’apprentissage bizarre d’un ermite, la chorale d’un orphelinat, le château d’un seigneur terrifiant, et la proximité d’un compositeur de renom. Mais que cherchent-ils dans la musique ? L’espoir d’une vie meilleure, le bonheur d’exprimer leurs sentiments profonds ou une manière de tutoyer le divin ?
Inspiré par la musique baroque, Antonio Vivaldi et Jean-Sébastien Bach, JC Deveney construit l’histoire de ses deux jumeaux comme un conte aux accents gothiques. À chaque étape de leur éprouvant périple, ils mûrissent et affinent leur vision de la musique, qui doit élever l’âme pour Helma, qui doit mener au pouvoir pour Hans. De grands sentiments traversent donc cette histoire qui court sur toute une vie, souvent palpitante même si un peu trop prévisible et balisée par moments : comme dans Géante, JC Deveney semble vouloir ménager un récit pour le plus large public et ne pas oser la transgression sur la base d’une trame et d’un univers pourtant originaux et riches. Rien de gênant, mais il pourrait aller tellement plus loin ! Heureusement, le travail graphique d’Édouard Cour (Héraklès, Super Deltas, Les Souvivants, ReV) colle parfaitement à l’ambition : son noir et blanc joue des ombres de la trame, sa plume marque les cases d’un trait viscéral, ses grandes cases ou doubles-pages laissent éclater une puissance expressionniste rare, et il joue intelligemment avec de virevoltantes volutes colorées pour incarner la musique. Singulier et léché, le dessin d’Édouard Cour offre alors une dimension éclatante à cet intéressant projet, édité de jolie manière en grand format par Dupuis.

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Oeuvre mangifique. Le graphisme est sublime (l’éloge dans la critique est mérité). Le noir et blanc est bien pensé, ne tombe jamais dans l’artifice déjà-vu. Certaines doubles pages sont bluffantes. Et moi aussi j’ai adoré cette représentation graphique de la musique. Chaque case sert le propos avec intelligence et virtuosité.
La réflexion sur la musique, sur le sens de la patique artistique et sur la résilience grace à l’art, sans être révolutionnaire, est belle et intéressante. Les renvois directs ou les clins d’oeil plus discrets au monde de la musique baroque, ses thèmes et sa mythologie, sont très amusants pour qui connait le sujet.
Toutefois, j’ai regretté une petite morale vaguement cul-bénie un peu décevante et très en dessous du reste du propos. De même, l’articulation du scenario est un peu convenue.
Bizarrement, ces quelques défauts ne sont pas pour autant rédhibitoires et j’ai dévoré Soli Deo Gloria avec voracité.





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