La Forteresse volante



Juin 1933. Une lueur dans le ciel de la campagne italienne, qui s’écrase au sol. Quelques paysans sont portés disparus ou témoins de l’invraisemblable. Mussolini dépêche des scientifiques et des militaires pour sécuriser la zone, et fouiller les décombres. Il ne s’agirait pas qu’une technologie spatiale inconnue et prometteuse échappe au glorieux projet fasciste, n’est-ce pas ?
Ce n’est pas spoiler que de dire que, oui, il s’agit bien d’un aéronef extraterrestre piloté par deux aliens. Mais le plus intéressant, dans ce début de scénario mêlant SF et complot politique sur plusieurs années, réside dans la manière dont Lorenzo Palloni (Gravity Level) aborde ce sujet propice au thriller : avec distance et froideur, il préfère s’attacher aux conséquences sur les petites gens du grand secret autour duquel elles gravitent. Notamment deux ados bricoleurs et antifascistes, ou deux militaires amoureux, l’un fils de notable, l’autre fils d’agriculteur. Et au-dessus de ces marionnettes manipulées par les puissants, c’est tout le cours de la guerre à venir qui se joue, avec les nazis et les Américains en arrière-plan.
Ce parti-pris narratif expulsant presque tout suspense ou scène spectaculaire désarçonne quelque peu au début, comme la mise en page en toutes petites cases, éclatées sur la planche, un peu à la manière d’un Chris Ware ou d’un Nick Drnaso. Mais peu à peu, on se fait à l’idée, et l’horreur de ce petit théâtre de secrets d’État et de faux-semblants n’en est que plus criante, surtout sous le trait fin et au réalisme légèrement difforme de Miguel Vila (Fleur de lait), tout à fait malaisant. Un album étrange et troublant, donc, de bout en bout, qui assume son côté glacial et presque repoussant pour mieux faire jaillir les émotions.
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