Le Jardin, Paris



Dans ce chic cabaret parisien de l’entre-deux-guerres baptisé Le Jardin, Rose est fébrile au moment de monter sur scène. Ce sera sa première fois, sa première danse sur scène, face à un public de connaisseurs. Surtout que Rose dénote un peu dans cet établissement : c’est un garçon, le fils de la patronne, élevé au milieu des femmes, et qui s’épanouit en portant robes et rubans. Sans que cela ne gène personne au Jardin, ni ne préjuge en quoi que ce soit quant à son orientation sexuelle – d’ailleurs, ce tout jeune homme à peine sorti de l’adolescence n’est jamais posé la question. Jusqu’à ce qu’un spectateur tombe sous son charme et revienne soir après soir applaudir le jeune Rose, et cherche à l’approcher.
Après un premier album prometteur, Les Fleurs de grand frère, qui abordait de manière poétique la question de la différence et du handicap, Gaëlle Geniller revient avec un roman graphique plus ambitieux, qui interroge sur plus de 200 pages le genre, la beauté des hommes et des femmes, leurs ressemblances et ce qui les sépare, le regard de la société sur ces frontières parfois floues. Et la jeune autrice s’appuie sur un récit d’apprentissage à la trame finalement classique pour développer ces sujets, qui prend même des allures de conte de fées hollywoodien par moments. Comme un improbable mix entre Le Prince et la couturière et Mauvais Genre, une histoire dans laquelle un jeune garçon porte des robes simplement parce qu’il se sent bien ainsi, et décide d’affirmer ce qu’il est, grâce au regard bienveillant de son entourage. Affronter ce sujet de manière positive est sans doute la plus grande originalité de ce récit – qui, soyons clair, n’évite pas un côté parfois très fleur bleue. En effet, l’oppression d’une société patriarcale, misogyne et hétéronormée n’est montrée qu’en creux, l’autrice préférant s’attarder sur l’émancipation d’un ado qui devient adulte, et trouve sa voie, de manière très naturelle, dans le spectacle et les froufrous. Et elle le fait par un graphisme fin, sophistiquée et élégant : de grandes cases aux cadrages cinématographiques, une ligne fluide et pointue évoquant l’animation, des couleurs lumineuses et un goût pour les textures et motifs marqué. C’est volontairement clinquant et charnel (on est dans un cabaret!) et l’album n’en est que plus attachant.
Une jolie histoire, positive, un peu hors du temps mais sur des thèmes bien d’aujourd’hui, voilà de quoi réchauffer l’hiver.
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