Mon père alcoolique et moi



Aujourd’hui mangaka, Mariko Kikuchi n’a pas eu une enfance facile. Élevée par un père alcoolique et une mère endoctrinée par une secte, le quotidien au sein de cette famille était éprouvant. En outre, elle faisant office de béquille émotionnelle pour sa mère qui souffrait elle aussi terriblement de son mari rongé par son éthylisme chronique. Si la collégienne qu’était Mariko faisait semblant de ne pas voir la peine de sa mère, c’était surtout pour se protéger elle-même. Mais, quand, à bout, sa mère se pend, la jeune fille se reproche son comportement.
Enfant, Mariko ne se rend pas réellement compte de l’état dans lequel se met son père. Elle subira cette sorte d’aveuglement et de déni de la situation pendant encore longtemps. Tant et si bien qu’en voyant un reportage sur des familles vivant avec des parents alcooliques, elle ne se rend même pas compte que c’est ce qu’elle est en train de vivre. À la mort de sa mère, elle s’occupe de tout à la maison, et, heureusement, les histoires terribles de son père font rire ses copines et lui permettent de ne pas rester isolée. Mais à force de détourner les déboires de son paternel, elle perd aussi peu à peu pied avec la terrible réalité. Elle commence sa vie d’adulte dans l’incertitude avant de reproduire semi-consciemment le schéma familial dans lequel elle s’est façonnée.
Dans cet ouvrage autobiographique l’autrice se livre frontalement , sans s’apitoyer sur son sort et laissant beaucoup de place à ses interrogations et doutes entre cautions et culpabilisations sociales. Sa vision de son père est-elle biaisée ? Doit-elle réellement se reprocher quelque chose ? Elle ne semble sûre de rien, et on sent très distinctement que ce récit a été écrit sous un aspect thérapeutique et cathartique. En plus de dresser le portrait d’un père et d’une fille souffrant des déviances du premier, Mon père alcoolique et moi a une portée universelle évidente. En prime, Mariko Kikuchi ne s’arrête à l’alcoolisme de son père et aborde de nombreux sujets forts comme les violences dans le couple ou différentes pressions sous-tendues par la société : une femme doit se marier, avoir des enfants…
Avec ce manga édité en collaboration avec Koï Studio (entité créée par Dominique Véret depuis son départ des éditions Akata), Akata nous propose une nouvelle fois un titre profondément social dans la lignée de Sans aller à l’école, je suis devenu mangaka ou La Virginité passé 30 ans, souffrances et désirs au quotidien. Cette bande dessinée est un témoignage familial douloureux, mais aussi le portrait déchirant d’une femme meurtrie. On ne dira jamais assez combien les addictions parentales peuvent faire souffrir la famille et les marquer à vie. Ce livre est aussi là pour le rappeler.
© 2017 by Mariko Kikuchi (AKITASHOTEN, Japon) – Traduction : Yuki Kakiichi – Adaptation : Laura Negro
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