Pauvre Sydney !



À 15 ans, grande, mal dans sa peau et maigrichonne, Sydney a tout de l’ado ordinaire en quête de repères. Au lycée, personne ne la remarque. Alors elle traîne avec sa meilleure amie Dina, lui conseille de larguer son mec violent ou découvre l’herbe et les premières fois. Sydney se cherche, orpheline d’un père mort trop tôt, à l’ombre d’une mère insupportable. Et surtout, l’ado boutonneuse a le pouvoir de faire mal aux autres par l’esprit…
On avait découvert Charles Forsman (Hobo Mom) avec le très bon The End of The Fucking World mais aussi le prometteur Celebrated Summer. Avec Pauvre Sydney!, l’auteur américain semble enfin exprimer tout son potentiel, toujours muni d’une bluffante économie de moyens. Car l’histoire de Sydney est on ne peut plus banale – une ado qui se cherche – mais Charles Forsman, derrière l’apparente sobriété, la transforme en récit universel. Tirant chaque tiroir de sa vie sans systématisme et avec fluidité, il nous plonge dans une passionnante construction identitaire. Les courts chapitres, ciselés au mal-être, ouvrent des portes sombres entre des parents à la dérive, des petits amis violents ou le recours aux drogues pour échapper à l’ennui mortifère. Du deuil impossible au sentiment de perte, de l’homosexualité à l’amitié bancale, l’auteur veut comprendre l’origine des errances de Sydney, hantée par les démons et habitée par la confusion des sentiments. Si Forsman vise dans le mille, c’est surtout grâce au dispositif utilisé : outre la concision des textes et la ligne claire limpide, c’est le face-à-face, dans chaque case, entre ce que vit Sydney et le commentaire « en off » qu’elle en fait dans son journal intime qui fonctionne à plein.
De cette mise à distance clinique naît une étrange et touchante proximité avec son histoire. Alors que la tension, elle, surgit du décalage entre les deux textes, l’un détaché, l’autre emporté. L’équation gagnante fait alors éclore une foule d’émotions. Mais aucun pathos ici, juste un équilibre parfait et un modèle de narration. Jusqu’au final bouleversant. Bravo!
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