Pas facile d’évoquer l’amour sans tomber dans les clichés mièvres. Une gageure même. Pas avec Vanyda qui, depuis le réussi L’Immeuble d’en face, puis Celle que… a bien compris que tout était dans la manière de raconter. Rythmé par un découpage malin et des ellipses efficaces, porté aussi par une touchante galerie de personnages jamais caricaturale, Un petit goût de noisette forme un récit choral narrant les trajectoires croisées d’hommes et de femmes en quête d’amour : Barnabé, désespérant dragueur-loser, Éléonore, sémillante collégienne trop jeune pour l’amour, Christophe, DJ peu sûr de lui, et Manon, énamourée du ténébreux Esteban… Chaque chronique, suite ou mémoire des précédentes, épaissit le mystère ou éclaircit un trouble naissant, du flirt ado à l’amour impossible, en passant par les tromperies et jalousies.

Mais Vanyda s’exonère des bons sentiments en captant cet instant grisant, l’incertitude suspendue au désir et à sa réalisation, pour suggérer la possibilité d’un amour. L’originalité de la BD étant moins dans son thème que sa forme, par un ton juste, des dialogues concis et des ambiances variées offrant un joli dégradé d’émotions, du jaune printanier au fuchsia crépusculaire en passant par l’intimité voilée d’un intérieur. La poésie, elle, surgit de la mise en couleur qui confère à la narration tout l’éclat retenu des belles histoires et le charme des premières fois. Mais le trait d’inspiration manga fin et maîtrisé participe aussi de la réussite. Car l’auteure dessine des corps sensuels, érotise la découverte de l’autre, dit beaucoup de la force du désir à travers ces relations en apparence anodines. Vanyda vise juste et bâtit un mille-feuilles à l’équilibre fragile, sensible et universel.