Une femme nue, devant une fenêtre, exprime son ras-le-bol, son exaspération d’être constamment humiliée. Un artiste, sculpteur, réalisateur, qui vit au travers de ses muses, peaufine ses sculptures et son film. Puis un décès inattendu (ou un meurtre ?). Et des scènes qui se répètent, se réécrivent, se reconstruisent, se dissèquent sous nos yeux. D’autres qui éclairent les possibles. Où s’arrêtent la réalité et la fiction ? Là, ce sera à vous de trancher !

Après des études à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, Greg Shaw ne suit aucun parcours académique. Il devient auteur de BD, puis directeur de la Bédéthèque du Centre belge de la Bande Dessinée, commissaire d’exposition et rédacteur en chef du Dessableur/ Zandstraal, magazine trimestriel bilingue du musée de la Bande Dessinée, quand il ne publie pas dans des fanzines et autres ouvrages collectifs alternatifs…

Sa marotte, c’est justement la BD alternative, et en particulier l’expérimentation graphique et narrative. Après avoir commencé sa carrière dans l’abstraction la plus totale avec Parcours pictural, il avait su convaincre lecteurs et critiques avec Travelling Square District, exercice de style dans lequel toute l’intrigue se passe dans l’illustration de la couverture. Culpabilis est une proposition encore totalement différente.

Alors que ces premières œuvres sont très colorées, Culpabilis s’exécute principalement en noir et blanc, les couleurs n’étant alors présentes que sur quelques aplats narratifs. Dans cet ouvrage, l’auteur exploite une technique rappelant la gravure qu’il peaufine depuis des années. Ainsi, chacune de ses planches est travaillée en négatif, à partir des vides laissés sur le papier. Au lieu de couvrir le papier d’encre ou d’autre substance, Greg Shaw coupe ses formes au cutter. Les vides obtenus sont alors comblés de noir ou de couleurs pour obtenir le rendu final, ce qui leur confère un graphisme très caractéristique, expressionniste et anguleux

Auteur conceptuel et minimaliste, dans sa narration et son itération iconique et narrative, Greg Shaw ne craint pas de désarçonner, il y prend même un malin plaisir en lançant quelques pistes qu’il vous mènera vers la construction de votre réalité. À la limite du compréhensible et de l’interprétatif, Culpabilis interroge plus qu’il ne donne de réponses. Ce sera au lecteur se lancer dans une seconde lecture pour chercher les réponses laissées sur le bas-côté, donner du sens et combler les manques. Amateurs de narrations séquentielles déroutantes, vous voilà servis !