Le Déviant #2
La première partie du Déviant parue en 2024 nous avait laissé interloqués. Cette histoire de serial killer déguisé en Père Noël, laissant des mises en scène macabres au pied des sapins, fichait sacrément les jetons, au moment même où, au cinéma, le clown sadique de la franchise Terrifier enfilait lui aussi le costume de Santa dans le troisième film. Surtout, ce premier tome laissait un peu le lecteur livré à lui-même, avec ses twists tordus et ses personnages tous volontairement ambigus, que ce soit le premier tueur de Noël, Randall, emprisonné depuis 50 ans mais clamant son innocence, ou bien Michael, un jeune auteur de BD introverti, décidé à interviewer le vieil homme en prison pendant qu’un imitateur sème la terreur.
La deuxième et dernière partie qui passe le témoin à Derek, le boyfriend de Michael, a le mérite d’apporter toutes les réponses aux questions restées en suspens. Toutes, vraiment ? Le scénariste James Tynion IV et le dessinateur Joshua Hixson (Shanghai Red) se gardent bien de dissiper intégralement l’atmosphère trouble qui fait la force de ce thriller riche de plusieurs niveaux de lecture. La fascination malsaine du grand public pour les tueurs en série, Ed Gein et Jeffrey Dahmer en tête, est évidemment disséquée en profondeur ici. « C’est humain, les gens veulent se rapprocher de l’abysse », explique Randall lors d’un de ses entretiens évocateurs de la série Mindhunter. Mais Tynion applique aussi très courageusement ce constat à lui-même et en tire une réflexion passionnante sur sa propre obsession d’artiste pour les récits d’horreur. Tynion, habitué des blockbusters (The Nice House on the Lake, Department of Truth), livre probablement ici son récit le plus personnel.
Avec The Deviant, il dresse aussi un réquisitoire sans appel contre l’homophobie. Tous les personnages principaux ici sont gays ou queer et ce n’est évidemment pas un hasard. Dès les premières rencontres, Randall explique que c’est son attirance pour les hommes qui lui a valu d’être suspecté puis écroué en 1973. Et quand Derek lui dit que ça ne se passe plus comme ça maintenant, le vieillard rit jaune. Une des scènes les plus flippantes du tome 1 était d’ailleurs un café bu dans des mugs Make America Great Again chez un flic retraité débonnaire, et le lent glissement vers l’hostilité au fur et à mesure de la conversation. Sans manichéisme, sans simplification, James Tynion IV emballe dans un papier cadeau brillant et un joli nœud un polar de très haut niveau à glisser sous le sapin sans la moindre hésitation.





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