Le Soldat
Certains font les fanfarons, d’autres vomissent en cachette. Les anciens racontent des histoires sordides, les jeunes tentent de ne pas écouter. En retrait du front de la Guerre de sécession, une compagnie de soldats attend de partir à l’assaut contre les Sudistes. Cette trop longue attente fait tourner la tête d’Henry, qui s’est engagé pour se prouver qu’il avait le courage d’affronter la mort, mais qui n’est plus si sûr de son choix…
En adaptant librement le classique américain La Conquête du courage, de Stephen Crane, Olivier Jouvray (Lincoln, Au royaume des aveugles…) a voulu se frotter au sujet de la guerre à hauteur d’hommes. « C’est surtout l’occasion de comprendre d’où nous vient cet instinct guerrier qui a mené nombre de nos ancêtres à partir le couteau entre les dents pour aller trucider leurs voisins », explique-t-il en postface. Il prend ainsi son temps pour décrire le tourbillon d’émotions qui assaillent son personnage principal, un héros malgré lui, revenu d’une première bataille sans une égratignure ou presque… parce qu’il avait fui sous les premières balles. Et qui, galvanisé par son capitaine et afin de lutter contre ses propres démons et prouver au monde sa témérité, va se jeter à corps perdu dans le combat. Cette plongée dans les souvenirs et les fantasmes d’Henry sont le coeur du sujet, mais prennent la forme de séquences un brin répétitives dans leur mise en place et leurs ressorts (les discussions entre soldats, au campement ou sur la route), avec pour contraste les cauchemars du héros, dont on ne sait jamais s’ils sont éveillés ou non. Cette incertitude suscite un sentiment d’inquiétude intéressant, mais aussi une certaine confusion à la lecture. D’autant que le dessinateur Efa (Kia Ora, Yerzhan, Alter Ego…), proposant un beau dessin expressif et grand public aux couleurs douces, peine à savoir sur quel registre peindre ses fantômes de soldats : il ne sont ni éthérés, ni sanguinolents, comme des marionnettes creuses mal posées sur le décor. Des petits défauts qui, accumulés, nuisent quelque peu à l’intérêt même de l’album, même s’il faut lui reconnaître une ambition plus que louable dans sa démarche.
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